Diplômes en prison: entrouvrir une petite porte sur l’avenir.
Partager

Derrière les barreaux de la prison de Queuleu, un détenu sur trois reprend l’école. La fin d’études du premier niveau de formation a fait l’objet d’une cérémonie officielle de remise de diplômes. Une première valorisante.Les 14 fautes de sa première dictée sont bien loin. « Ça m’a bien servi. Le vocabulaire, les accords de verbe avec le sujet. Maintenant je fais moins de fautes. » Celui qui, à 54 ans, se nomme lui-même « le plus rustique » écrit désormais à sa famille sans complexe. « J’ai toujours travaillé et mon métier je le connais par coeur. Mais je n’ai jamais eu de diplôme. » Quarante ans après avoir quitté les bancs de l’école, le manque est comblé. Le doyen de la promotion hiver 2006 est désormais titulaire du certificat de formation générale, délivré, de façon très officielle, à 37 détenus de la maison d’arrêt de Metz-Queuleu.

Proposée depuis des lustres à tous les prisonniers volontaires, la formation n’a jamais suscité autant de candidatures. C’est l’une des raisons qui ont incité la direction du centre pénitentiaire et l’unité d’enseignement à organiser la première cérémonie du genre, lundi dernier, dans l’enceinte de la prison.

Dans la pénombre de la grande salle des parloirs, l’instant est quasi-solennel. « Derrière ce diplôme, il y a de votre part beaucoup d’efforts, de travail, de doutes aussi. C’est une leçon que vous nous donnez et qui appelle de la part de la société de poser un autre regard. » Adjoint à l’inspecteur d’académie, inspecteur d’adaptation et d’intégration scolaire, Jean-Marc Louis a ouvert la cérémonie en saluant le mérite des diplômés.

Courage, rigueur

Raymond Loegel, responsable local d’enseignement, confirme l’investissement des formations en milieu carcéral, « 195 détenus sur 570 » avec des taux de réussite de « 78 % », jusque-là jamais atteints. Les moyens mis à disposition par la justice et l’Education nationale ne sont pas vains.

Pour une « première », le directeur, Michel Schwindenhammer, a joué de l’effet de surprise et dévoilé le petit lunch dressé derrière le rideau de la scène. « La prison, c’est un monde à part où il ne faut pas perdre le réflexe d’un rythme social », commente le directeur, pour mieux marquer l’effort consenti par les candidats à la formation.

Cette reconnaissance est également le moyen d’entrouvrir une petite porte sur l’avenir. « J’ai un projet », confie cet homme de 35 ans, impatient de poursuivre « dans l’informatique. Une possibilité, après quand je sors, pour vivre et nourrir ma famille. Ce diplôme, c’est une première pierre à l’édifice. Il m’a fallu du courage, mais les acquis reviennent. » Son voisin atteste: « Il faut le vouloir, mais c’est mieux que de rester en cellule. Plutôt que de s’abrutir, on reprend ce qu’on a laissé. »

B.P.