Etat des lieux sur la justice des mineurs en Europe
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Le droit européen en matière de justice des Mineurs a évolué au cours du xx° siècle et plus particulièrement ces dernières années, à partir de la fin des années 1990 et des années 2000.

La question est de savoir comment le système « protectionnel de l’enfant », modèle dominant jusqu’alors, le « Welfare » (bien-être) a pu évoluer sous la pression néo-libérale de la question sociale et plus largement en lien avec le développement des processus économiques, culturels, politiques et sociaux de l’Etat-nation.

Ce modèle de  protection de la jeunesse, qui a influencé les pays européens en matière de justice des mineurs, repose principalement sur la primauté de l’éducatif sur les sanctions ou peines qui doivent garder un caractère exceptionnel, la prise en compte systématique avant tout jugement des conditions de vie du mineur, de sa personnalité, le choix de mesures éducatives indéterminées et le refus des procédures rapides, la création d’une chambre et d’un corps de magistrats spécialisés.

Ces divers principes, ou une partie d’entre eux tout au moins, sont à des degrés divers remis en cause aujourd’hui dans une majorité de pays européens, même si au niveau des pratiques, les acteurs de terrain peuvent manifester des formes de résistances aux évolutions, aux innovations, aux orientations impulsées par des politiques publiques à caractère sécuritaire où le mineur « déviant » est perçu comme un danger pour la société.

Robert Castel* écrit à ce propos : « Cette fragilisation des principes fondateurs de la justice pénale des mineurs se conjugue à une dégradation des conditions d’accès à l’emploi des jeunes les moins scolarisés, à une transformation des liens sociaux et des rapports entre les générations, ainsi qu’à une mutation de notre rapport aux normes collectives. Elle prend place également sur fond d’un déplacement important de l’investissement de l’Etat dans le domaine de l’emploi, notamment pour les jeunes : abaissement du coût du travail, dérégulation du marché du travail, multiplication des formes précaires d’emploi et généralisation des dispositifs dérogatoires au droit du travail via les politiques d’insertion sociale et professionnelle ».

L’idéal de solidarité est peu à peu remplacé par l’impératif de responsabilité, le mineur est considéré comme un individu responsable plutôt que comme une victime d’une situation de vulnérabilité sociale. En échange on lui enjoint de s’impliquer individuellement dans une sanction contrainte mais consentie, via des mesures réparatrices.

D.Kaminsky*, précise à ce sujet « plus les ressources du justiciable sont faibles, moins il est capable de porter la responsabilité qu’on lui confie comme un privilège. »

Autres facteurs qui ont contribué au changement du droit pénal des mineurs : La pression des droits de l’homme, voire des droits de l’enfant, la reconnaissance de la victime dans le processus judiciaire et l’impact des médias sur la construction des opinions publiques.

La prise en compte (assez récente) par les Etats de la Convention Internationale des droits de l’Enfant ainsi que des textes internationaux en la matière (règles de Beijing-1985 et règles de La Havane 1990) et du Conseil Européen – 2011-, ont eu pour effet de protéger l’enfant contre toutes peines ou mesures qui porteraient atteinte à son intégrité, à sa dignité et lui assurer un cadre procédural garantissant des droits de l’inculpé à un procès équitable.

La justice des mineurs toujours héritière du modèle « Welfare » et soucieuse de préserver un système plus souple et plus informel, a évité l’écueil rencontré par la justice pénale des majeurs, celui d’une inflation des procédures qui auraient été suivies d’un durcissement des peines.

La reconnaissance de la victime , prise en compte dans la mesure « innovante » de réparation, a été bien accueillie par l’ensemble des acteurs, des travailleurs sociaux à la population satisfaite de voir la qualité de victime reconnue par le pouvoir judiciaire . Le succès de ces mesures alternatives a paradoxalement changé le mode de traitement des affaires, jusque là traitées en priorité par le juge des enfants, le Parquet ayant mis à profit, notamment en France, cette mesure pour réduire les classements sans suite, intervenant directement auprès des services de gendarmerie et de police

Dans la majorité des pays occidentaux, la délinquance juvénile est devenue un enjeu politico médiatique.

« Le rôle des médias relève plus de la fonction de mise en forme : ils ne délivrent pas de prêt à penser, mais structurent l’opinion publique autour de quelques grands thèmes » Erner*

Le traitement délinquance des mineurs par certains médias favorise le sentiment de peur dans l’opinion publique face à cette classe dangereuse et menaçante de l’ordre public. Cette désinformation est dénoncée dans un avis du Comité Economique et Social Européen relatif à la prévention de la délinquance juvénile, qui préconise l’élaboration de politiques d’information appropriées qui contribuent à dédramatiser la perception exagérément négative de cette délinquance d’importance mineure par rapport à la criminalité adulte pour la ramener à de plus justes proportions ».

Malgré une bonne résistance, surtout au niveau des pratiques des acteurs sociaux et judiciaires aux changements influencés par des politiques néo-libérales, il faut noter dans de nombreux pays européens une tendance à l’augmentation des mesures privatives de liberté pour les jeunes. L’enfermement étant compris dans toutes ses formes : emprisonnement, centre éducatif fermé ou centre de formation professionnelle fermé.

Par contre plusieurs pays n’ont recours à la détention qu’en cas d’infraction grave ou limite les peines à de courtes durées : Allemagne, Autriche, Ecosse, Italie, Suède, Espagne.

Et certains pays font bénéficier la justice des mineurs aux majeurs jusqu’à l’âge de 21 ans : Allemagne, Autriche, Espagne, Pays-Bas, Suède, de 23 ans pour la Belgique.

A partir de seize ans, en cas d’infractions graves possibilité de renvoyer le mineur devant un tribunal ordinaire : Belgique, Ecosse, Luxembourg,

L’âge de la responsabilité pénale varie en fonction des pays, c’est l’âge où le mineur est considéré comme responsable de ses actes et donc passible de sanctions pénales. Il est fixé par la loi à : 10ans pour la Suisse et l’Angleterre, 12ans pour les Pays-bas, la Grèce, La Suède, 14 ans pour l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie, 16 ans pour le Portugal et 18 ans pour la Belgique et le Luxembourg.

En Belgique et au Luxembourg, le juge de la jeunesse peut décider soit d’office soit sur réquisition du parquet du renvoi du mineur entre 16 et 18 ans devant le tribunal correctionnel (suite à une enquête sociale, examen psychologique, passé judiciaire).

En Allemagne et en Italie, la responsabilité pénale d’un mineur entre 14 ans et 15 ans peut être écartée par le juge en raison de son « immaturité ».

En Ecosse le procureur de la Couronne peut décider de poursuivre devant les tribunaux pénaux, des enfants âgés de 8 ans à 16 ans ayant commis des délits les plus graves. Dans la pratique le nombre de présentations est peu important. En France, la responsabilité pénale du mineur n’a pas été fixée dans le cadre de l’ordonnance du 2 .2.45, elle ne précise pas l’âge auquel les mineurs sont accessibles à une condamnation. (La jurisprudence de la cour de Cassation l’a fixée à 7 ans.).

 

L’âge de la majorité pénale recouvre deux aspects :

–     l’âge à compter duquel un délinquant ne comparaît plus devant une juridiction spécialisée pour les mineurs.

–     L’âge à compter duquel il ne bénéficie plus d’une présomption, plus ou moins irréfragable, d’atténuation de responsabilité qui entraîne une échelle de peines réduites.

Jusqu’à la majorité pénale le mineur a le droit à un juge spécialisé.

18 ans :Angleterre Pays de Galles, Allemagne, Autriche, Belgique,Ecosse, Espagne, Italie, Luxembourg,Pays-Bas, 17 ans , Grèce, 16 ans Portugal , 15 ans, Suède.

 

Les transformations de la justice des mineurs en Europe sont directement liées au développement économique, culturel, politique propres à chaque pays, mais des tendances majoritaires apparaissent et celle qui prévaut dans tous les systèmes judiciaires pour mineurs demeure un système fondé sur la protection de l’enfant, la prise en compte de son âge et de ses capacités à intégrer et comprendre les mesures ou sanctions prononcées, ainsi que l’objectif incontournable pour tous les acteurs sociaux et judiciaires de son insertion sociale et professionnelle.

 

La Belgique

La Belgique a vu son système de justice des mineurs réformé par la loi de 2006, Les objectifs poursuivis sont –protéger- réparer- sanctionner. Un modèle « hybride ».

Depuis la loi de 1912 sur la protection de l’enfance et surtout depuis la réforme de 1965, la réponse pénale aux infractions des mineurs priorisait la vocation éducative des mesures, celles ci seront aussi appliquées aux mineurs en danger.

Dès les années 1980, ce modèle fait l’objet de critiques. Paternaliste, le système pèche sur le plan des droits de l’enfant, les frontières de l’intervention judiciaire sont floues l’existence de mesures à caractère sanctionnel sont prises « avant dire droit ».Ce modèle de protection serait « peu adéquat pour un noyau dur de mineurs délinquants ». La prise en charge des enfants en danger sera alors confiées aux communautés Flamande, Française et Germanophone

La réforme de 2006 va répondre à de nouvelles attentes de la société et s’engager dans la prise en charge de mineurs délinquants plus proche désormais du droit pénal des adultes, du ressort de la justice fédérale. Les nouvelles mesures alternatives (médiation, réparation) n’ont pas fonctionné comme une alternative au placement ou à l’enfermement, peu utilisées par les magistrats de la jeunesse, le Parquet y voit l’alternative au classement sans suite. L’échec de cette mesure pourrait être liée au peu de motivation des victimes. Dans le cadre de mesure restauratrice les jeunes issus de l’immigration ne collaboreraient pas car ils ne veulent pas discuter et ce n’est pas possible de leur imposer une médiation…la médiation ce n’est pas africain, nord-africain.. D’autres intervenants judiciaires expliquent : « nous sommes dans une culture judéo-chrétienne.Par exemple l’aveu, faire son mea culpa, c’est quelque chose que nous allons faire plus facilement que les personnes de culture marocaine ».

Et pourtant, un proverbe africain dit : « Il n’y a pas deux personnes qui ne s’entendent pas, mais deux personnes qui n’ont pas discuté ».

Le système judiciaire pour mineurs en Belgique reste très marqué par la culture de l’enfermement ; des placements en détention qui répondent à la nécessité de marquer « un coup d’arrêt ». Le secteur public est seul habilité à prendre en charge l’hébergement en centre fermé ou dans le centre fédéral fermé d’Everberg. Les Institutions sont des structures moyennes de 20 à 50 places répartis dans des sections pavillonnaires. Un premier type d’enfermement en régime fermé est réservé aux mineurs de plus de 14 ans et le second de type ouvert qui accueille les enfants à partir de 12 ans, mais ce régime plus ouvert dispose de moyens coercitifs, la mise en isolement qui demeure une privation de liberté. La majorité des mineurs placés en centre fermé est issue d’un milieu familial défavorisé, en situation socio-économique très précaire. Sur le plan scolaire 45,7% n’ont pas obtenu leur diplôme d’enseignement primaire et sont inscrits dans des filières peu valorisantes en terme d’accès à l’emploi.

La Belgique n’échappe pas au débat qui traverse tous les pays européens relatif aux mineurs. La protection, la réparation et la sanction sont au cœur des dispositifs mis en place à partir des années 2000.

 

Ecosse

«… autrement qu’en Angleterre »

La Dévolution des pouvoirs en Ecosse a été votée par le parlement de Westminster en 1998, L’Ecosse dispose désormais de son propre parlement et de son gouvernement autonome qui ont compétence sur les affaires intérieures du pays.

La justice des mineurs en Ecosse repose sur un système initié par la philosophie de Kilbrandon depuis les années 1960 et qui défend l’idée que les enfants délinquants ont eux-mêmes connus des difficultés durant leur enfance et qu’il faut prendre les problèmes sociaux et familiaux à la source.

Du nom de children’s hearing, ce système a résisté aux diverses révisons et enquêtes parlementaires qui n’ont pas remis en question la philosophie de Kilbrandon. (Il s’agit du nom du président du comité installé pour réviser la justice des mineurs d’Ecosse au début des années 1960.)

Les décisions prises s’adressent majoritairement à des enfants jusqu’à l âge de seize ans.

L’introduction des droits de l’enfant au sein de l’institution décisionnelle composée d’un Rapporteur- un travailleur social et non un magistrat- et d’un panel de civils- a eu un effet bénéfique en la présence obligatoire d’un avocat à chaque audience. La greffe de la justice réparatrice a bien réussi, respectant par là les mêmes valeurs que le children’s hearing, notamment les mesures impliquant le délinquant dans un travail au profit de la communauté ou au bénéfice de la victime.

Les nouvelles logiques font leur apparition suite à des discours politiques stigmatisant les délinquants récidivistes, suivie de campagnes de médias fustigeant la culture des casseurs.

Des mesures sont prises en 2004 pour les jeunes de 12 à 15 ans : le marquage électronique, les mesures parentales .la police fut autorisée à disperser les groupes de deux personnes ou plus traînant dans la rue. Des tribunaux pour jeunes ont été mis à l’essai pour petits délinquants récidivistes de 16 et 17 ans.

La marchandisation fait son apparition et des agences de la justice se créent et se substituent progressivement aux représentants des départements du travail social de l’autorité locale, aux décideurs politiques clés du gouvernement écossais. aux représentants du système hearing.

De nouveaux publics s’impliquent ou s’intéressent maintenant à la justice des mineurs, associations de victimes, les communautés et le public le plus large que le gouvernement encourage. La privatisation des prisons et d’autres entreprises de services qui proposent des services contractuels à la justice des mineurs achèvent le démantèlement de la justice des mineurs.

La stigmatisation de l’enfant délinquant atteint son comble quand les éléments du dossier de protection de l’enfance sont utilisés pour propulser le mineur dans le système pour adulte et en prison.

Le taux de jeunes sans travail, non scolarisés est l’un des plus élevés des pays développés. A Glasgow, les logements sont vétustes et les habitants ont une espérance de vie très courte. La violence sectaire liée à la culture du football est enracinée dans certaines zones urbaines.

L’Ecosse se voulait un pays « différent de l’Angleterre » mais les politiques néo-libérales ont profondément changer le système de protection de l’enfance favorisant un durcissement des mesure et sanctions à l’égard du noyau dur de délinquants récidivistes.

 

Angleterre et Pays de Galles

Le gouvernement travailliste qui arriva au pouvoir en 1997 (New Labour), commença rapidement à réviser le système de la justice des mineurs.

La loi de 1998, le crime et le désordre (Crime and Disorder Act),

Un organisme public exécutif non ministériel fut crée, le Conseil pour la Justice des Mineurs, (The Youth Justice Board), pour surveiller le fonctionnement de la justice des mineurs. Au niveau local, des multi agences furent chargées de mettre en place les nouvelles mesures concernant la justice des mineurs.

L’objectif premier de ces nouvelles dispositions est la prévention de la délinquance et plus particulièrement la lutte contre le comportement anti-social,

(Antisocial Behaviour, ASB). Une mesure civile a été crée à cet effet, ASBO,

(antisocial behaviour order). Elle autorise les autorités locales en lien avec la police à instaurer le couvre feu pour les enfants de moins de dix ans.

La Loi introduit des mesures réparatrices et notamment la mesure de renvoi qui est la peine obligatoire pour les primo délinquants, où le mineur et sa famille signe un contrat de réhabilitation pour réparer les dommages causés, en présence d’une commission composée de représentants de la communauté.

En cas de rupture de contrat ou de non respect des obligations fixées par cette mesure au civil, des sanctions pénales sont prononcées pouvant conduire le mineur en détention. Ce système « probatoire », au civil est renforcé par la novelle loi appelée Mesure de Réintégration des Jeunes (Youth Reabilitation Order, YRO). Cette mesure peut comporter de nombreuses obligations : activités déterminées, un couvre feu, une condition éducative, obligation de soins, surveillance électronique, placement en famille d’accueil, obligation de présence dans un centre, interdiction de se trouver dans des lieux., porter certains vêtements.

Le programme de l’ASB vise principalement le comportement antisocial des jeunes mais pas nécessairement criminel. La question est de savoir si ces mesures dites préventives, ne stigmatise pas davantage les enfants au sein de leurs communautés et pour les plus en difficulté si ils ne les précipitent pas vers les tribunaux pénaux, en sachant que la peine encouru est la détention dans un centre fermé d’une durée de 24 mois (la moitié de la peine est exécutée au sein de la communauté).

A la suite de sa visite au Royaume-Uni en Novembre 2004, le Commissaire européen aux Droits de l’Homme a exprimé ses inquiétudes au sujet des ASBO, cette mesure pourrait en réalité, exacerber plutôt qu’empêcher le comportement antisocial des jeunes. Les ASBO risquent d’aliéner et de stigmatiser les enfants en les ancrant dans leur comportement déviant. Il a aussi remarqué un grand nombre de jeunes condamnés à la détention pour violation d’ASBO et s’est demandé, « si la détention des jeunes pour des comportements non criminels ne les conduirait pas à commettre des délits plus graves à leur sortie ».

La détention en Angleterre et au Pays de Galles s’est accrue, entre 1994 et 2004. Le nombre de jeunes condamnés à l’emprisonnement a augmenté d’un tiers. Entre 1991 et 2008 le nombre de jeunes retenus en institutions fermées a plus que doublé. Ces tendances se sont produites alors qu’il n’y avait pas de tendance significative à l’augmentation de la criminalité chez les jeunes. Les données produites par le conseil de l’Europe montrent que l’Angleterre et le Pays de Galles emprisonnent plus les jeunes aujourd’hui que tous les autres pays européens à l’exception de la Russie et de l’Ukraine.

Le Comité des Nations Unies pour les Droits de l’Enfant a également fait part de son inquiétude et a recommandé l’application de l’article 37 de la Convention de l’ONU sur les Droits de l ’Enfant- qui déclare que la détention doit être une mesure de dernier recours et d’une durée la plus courte possible.

L’efficacité, une valeur prônée par le gouvernement (néo-libéral), n’est pas au rendez-vous, le taux de récidive des mineurs dans l’année qui suit leur sortie de prison approche les 76 %.

Certaines institutions fermées (LASH-Local Authority Secure Home) accueillent 10% de l’ensemble des jeunes détenus et assurent un encadrement éducatif (santé, aide sociale et scolaire) des mineurs, pour les plus jeunes âgés de moins de 15ans, dans le cadre de l’enfance en danger.

Une étude sur l’effet de criminalisation sur les mineurs par la mise en place des mesures depuis 1998 montre que celui-ci pourrait être lié à l’histoire de l’Angleterre et du Pays de Galles. Face à son voisin, le gouvernement travailliste aurait eu la volonté de s’approprier la question du maintien de l’ordre par rapport au parti Conservateur Gallois La surenchère dans la politique punitive n’a pas au bout du compte donné les effets escomptés.

La médiatisation de faits divers et notamment le meurtre en Février 1993, d’un enfant de deux ans par deux enfants âgés de dix ans a considérablement influencé les politiques en matière de justice de mineurs et cet évènement a favorisé le durcissement des mesures en direction des enfants et adolescents délinquants.

L’image de la justice des mineurs en Angleterre et au Pays de Galles n’a pas gagné en considération suite aux dernières mesures et programmes de réhabilitation mis en place de type comportementaliste, qui ne prend pas en compte l’enfant et sa famille mais impose une intégration de l’enfant à marche forcée, l’enfant qui doit se racheter d’une faute commise, il est le mauvais objet indigne de la communauté.

Les conditions économiques et sociales qui se sont dégradées ces dernières années, 2 millions d’enfants grandissent dans des familles où aucun parent ne travaille. Suite aux émeutes survenues au mois d’Août 2011 au sein de plusieurs villes d’Angleterre, le constat est amer car dans certaines zones de la capitale le taux de chômage des jeunes immigrés dépasse 65%.

Il est à craindre qu’une nouvelle page de l’Histoire d’Angleterre ne vienne conforter le nouveau gouvernement britannique (néolibéral) à durcir davantage les mesures prises à l’égard des ces jeunes considérés comme dangereux pour l’ordre public. 1500 interpellations ont eu lieu durant la semaine des émeutes. Le gouvernement anglais a privilégié le système de vidéosurveillance, installant plus de 4 millions de caméra sur le territoire mais comme le dit le criminologue Canadien Stéphane Leman-Langlois « une caméra n’empêchera jamais de piller, de casser, des vitrines ou d’affronter la police ».

 

Espagne

Malgré une évolution des textes de loi en matière de justice des mineurs notamment en direction des cas les difficiles, avec la prolongation des temps d’enfermement, la pratique des acteurs sociaux et judiciaires espagnols continuent à privilégier la protection du mineur et à prendre en compte son environnement social et familial.

La Loi organique (2000), qui s’appuie sur la responsabilité pénale a favorisé la justice réparatrice surtout en alternative aux poursuites (Parquet), a préconisé le recours à l’enfermement qu’en dernier recours respectant ainsi la recommandation de la CIDE, a renforcé les garanties procédurales dans le cadre des procédures judiciaires (avocat), a fixé la minorité pénale à 14 ans. En 2001, deux autres Lois à caractère plus répressif, voire punitif. La création de centres spéciaux d’enfermement à Madrid, afin de favoriser l’éloignement du mineur de sa famille et de son contexte social. Une Loi spéciale qui permet de rallonger la durée d’enfermement pour les délits les plus graves : homicide, agression sexuelle, assassinat, viol et en cas de récidive. La Loi n’a pas autorisé l’application de la justice des mineurs aux majeurs.

Une innovation particulière dans le domaine juridique des mineurs, celui qui donne la possibilité à une victime d’un jeune délinquant, quelle que soit la gravité de l’acte de proposer la mesure qu’elle croit appropriée pour le punir, c’est « L’accusation particulière ».

La possibilité d’envoyer en prison un jeune dès qu’il a atteint ses 18 ans alors qu’il est placé dans un centre fermé pour mineurs ( Les mineurs n’exécutent pas leur peine dans un centre pénitentiaire, mais dans un centre fermé qui relève de la justice des mineurs.)

Malgré ce durcissement législatif qui cible principalement le noyau dur de la délinquance, les pratiques des opérateurs socio judiciaires ne changent pas fondamentalement et la priorité reste donnée à l’éducatif et aux mesures qui tiennent compte de la situation du mineur et de sa famille ;

Les Mesures de Milieu Ouvert sont ordonnées dans la grande majorité des cas et paradoxalement, en nombre supérieur pour la tranche d’âge de 16-18 ans à celle des 14-15 ans. Les mesures privatives de liberté 25,9%, dont 5,1% pour les mesures de placement en centre fermé. Le centre semi ouvert a été souvent utilisé 12,1%.

Les juges ont recours à la liberté conditionnelle pour les cas graves et la possibilité d’enfermement pour ces délits qui peut aller jusqu’à 10ans est peu utilisée.

La question des mesures à l’égard des mineurs de moins de 14 ans est posée, elles relèvent des services de la protection de l’enfance mais elles ont tendance à s’aligner sur les sanctions pénales ordonnées pour les 14-18 ans. Peut-on y voir un échec des politiques de prévention ou l’influence des nouvelles logiques à caractère punitif qui émergents aussi dans le champ éducatif et social ?

L’Espagne n’échappe pas à une forme de marchandisation du secteur éducatif et judiciaire. Des entreprises gèrent l’exécution de mesures d’enfermement et de Milieu Ouvert. Une entreprise du bâtiment qui tire profit de la construction de centres peut avoir à gérer des mesures de mineurs placés dans ces centres.

La justice des mineurs espagnole offre une grande diversité de réponse aux mineurs et à leurs famille, l’ensemble des institutions judiciaires et celle des travailleurs sociaux parait avoir bien résisté à la vague répressive qui déferle sur les pays européens et plus particulièrement dans le cadre de la justice des mineurs.

 

L’Italie et L’Allemagne présentent au sein de la justice des mineurs des orientations similaires qui offrent davantage de protection au mineur auteur d’infraction et qui n’a recours à la peine de prison que dans des cas exceptionnels.

L’Italie dès 1948 prend des mesures de protection pour le mineur et qui le dote de droits, ce système est orienté vers la resocialisation par tous les moyens même au prix d’un recul de la logique punitive.

En 1998, la priorité est donnée à ce système spécial pour les mineurs délinquants, qui s’appuie sur le développement de la procédure tout entière qui pose une exigence prioritaire, celle de ne pas interrompre les processus éducatifs en cours.

Alternative à la détention, semi-liberté, principe de subsidiarité sont privilégiés. Les Juges pour enfants ont un large pouvoir discrétionnaire.

 

L’Allemagne

Malgré une peine de prison qui peut placer le mineur pour la fin de semaine en prison en centre pénitentiaire, « la mise aux arrêts » les magistrats ont recours à l’emprisonnement que très exceptionnellement. Le classement sans suite au niveau du Parquet est important. Tous les jeunes majeurs entre 18 et 21 ans sont concernés par la juridiction des mineurs Cette orientation est remarquable dans ce sens qu’elle offre un élargissement dans le champ du droit pénal des mineurs.

La majorité des pays européens ont résisté et malgré des systèmes judiciaires différents, aux pressions des nouvelles tendances d’ordre coercitif, punitif ,en adoptant des mesures alternatives à la voie pénale, médiation, réparation limitation voire refus des sanctions privatives de liberté. La prise en compte par la justice des mineurs des jeunes majeurs.

Les droits de l’enfant davantage reconnue par les Etats et leurs gouvernements, ont fait leur apparition dans le champ judiciaire. La crainte de voir s’imposer le respect des droits et liberté garantis par la CIDE, et qui pourrait compromettre l’exercice d’une justice des mineurs plus souple et moins formelle, ne s’est pas vérifiée.

La politique engagée relative à enfance et l’adolescence délinquante dans les pays Européens reste liée à des particularismes locaux, aux cultures identitaires (Ecosse). Les modifications juridiques dans les systèmes de justice ont pour vocation de rassurer l’opinion publique, mais elle n’a pas véritablement d’impact sur les pratiques des acteurs sociaux et judiciaires.

L’approche néolibérale de la question sociale et celle de l’introduction de la morale (du mineur qui doit se repentir) peut durablement influencer les politiques publiques en matière de justice de mineurs.

L’idéal de solidarité a été remplacé par la notion de responsabilité qui place le mineur directement responsable de ses actes mais aussi de son comportement. L’Etat se désengage de ses responsabilités à son égard et délègue à des acteurs nouveaux au sein de la communauté, la prise en charge des mesures de contrôle, et de surveillance du mineur potentiellement dangereux et facteur de trouble de l’ordre public.

L’introduction de la victime dans la justice pénale des mineurs a été saluée comme un progrès par tous les acteurs de terrain, mais la mise en place de cette mesure n’a pas eu le succès espéré.

La marchandisation de l’action d’insertion sociale et de réhabilitation du mineur a vu une myriade d’entreprises et d’agences de la justice de la jeunesse s’emparer de ce nouveau marché.

Comment la justice des mineurs pourra t-elle résister à ces nouvelles logiques néo libérales, il faut compter sur le pragmatisme et la sagesse des praticiens soucieux de préserver « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

 

Commission Justice Août 2011 

 

Bibliographie :

-Robert Castel   Les métamorphoses de la question sociale

– G.Erner        La société des victimes

– F.Bailleau      Une autre lecture de la justice pénale des mineurs

– Y.Cartuyvels    La justice pénale des mineurs en Europe