Intervention d’Aline Archimbaud sur le projet de loi « Exécution des peines »
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Monsieur le Garde des Sceaux,

Monsieur le Président,

Madame la rapporteur,

Mes chers collègues,

En tant que membre de la commission des affaires sociales, je tenais à insister sur quelques problématiques sanitaires et sociales soulevées par le projet de loi de loi relatif à l’exécution des peines.

Mais je souhaite tout d’abord vous faire part de ma solidarité la plus totale avec la commission des lois du Sénat pour l’énorme travail fourni sur ce texte, et ce malgré des délais intenables.

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Monsieur le Ministre,

Une fois de plus, votre gouvernement nous présente une loi fourre-tout préparée à la hâte à la suite d’un fait divers, certes tragique.

Malgré quelques timides avancées, le texte, tel qu’il a été transmis au Sénat, restait guidé par l’idéologie que le tout-répressif et l’incarcération constituent les meilleurs remèdes à la récidive.

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Bien au contraire, la lutte contre la récidive nécessite de travailler prioritairement à la réinsertion et à l’aménagement des peines.

•                Au lieu de cela, votre projet proposait d’augmenter significativement le nombre de places en prison, le portant à 80 000 à l’horizon 2017. 
Cette stratégie aurait pour conséquence d’augmenter la taille des prisons existantes, les projections indiquant un passage de 532 à 650 places par établissement. 
Or clairement, plus l’établissement est important, plus il est difficile d’y individualiser le suivi et l’accompagnement des détenus, et par conséquent moins la lutte contre la récidive y est efficace.

•                D’autre part, votre projet de loi proposait une nouvelle typologie des établissements pénitentiaires, comprenant 4 catégories. Une telle spécialisation favorise l’éloignement des détenus par rapport à leur famille, car elle allonge mécaniquement le rayon géographique au sein du quel un individu sera susceptible de trouver le type d’établissement auquel il sera affecté.

•                Votre projet de loi proposait également de créer de nouveaux centres de détention spécialement conçus pour les courtes peines, alors que des solutions d’aménagement de peines sont clairement préférables, notamment du point de vue de la réinsertion, pour ce type de peines.

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En résumé, ce projet de loi, dans sa version initiale, privilégiait la répression et la détention. Alors que l’Etat demande à tous les français de faire des efforts dans un contexte particulièrement difficile de crise, le Ministère de la Justice se paie donc le luxe de mesures à la fois coûteuses et inefficaces.

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A la veille des élections, cette stratégie politicienne est d’autant plus choquante que les sommes conséquentes ainsi fléchées vers l’ouverture de places supplémentaires en prison aurait pu être très utiles si elles avaient été consacrées à l’amélioration des conditions de vie des détenus et à leur réinsertion.

Aussi, nous – écologistes-, appelons nous plutôt de nos voeux un respect du droit à l’encellulement individuel et une amélioration des conditions matérielles de détention, pour enfin respecter les normes internationales.

Egalement, nous préconisons un moratoire sur la construction de nouvelles places de prison, et une limitation des nouvelles constructions au remplacement des établissements vétustes et indignes.

L’architecture de ces nouveaux établissements prendrait bien sur en compte les impératifs de réinsertion, et il serait mis fin aux Partenariats Publics Privés dans l’administration pénitentiaire.

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Madame la Rapporteure,

Par votre important travail d’amendement, vous avez transformé le projet de loi qu’il nous est aujourd’hui donné d’examiner. Sur un certain nombre de points qui m’avaient alertée en tant que membre de la commission des affaires sociales, je suis aujourd’hui rassurée.

•                Les peines de prison de longue durée ne sont pas du tout adaptées aux personnes atteintes de troubles psychiatriques graves, et je suis soulagée de voir intégrées au projet de loi les propositions de mon collègue Jean-Marie Lecerf, Sénateur du Nord, sur l’atténuation de la responsabilité pénale des auteurs d’infraction dont le discernement était altéré au moment des faits

•                D’autre part, le projet du gouvernement prévoyait, pour les personnes bénéficiant d’un aménagement de peine subordonné au suivi d’un traitement, que les attestations de suivi du traitement soient directement transmise par le médecin traitant au juge d’application des peines, ce que les professionnels de santé ont unanimement dénoncé comme étant contraire au lien de confiance. Heureusement, les députés ont intégré au texte un amendement prévoyant la transmission directe de ce type de certificat de la personne détenue au juge de l’application des peines.

•                Mon attention est également attirée par la situation de certains mineurs délinquants souffrant de troubles du comportement, et du traitement qui leur est réservé. Le rapport de ma collègue le souligne, la faiblesse des relations entre la protection judiciaire de la jeunesse et le secteur pédo-psychiatrique est l’une des principales difficultés dans la prise en charge des mineurs délinquants les plus difficiles. Il manque cruellement de places suffisantes en institut éducatif, thérapeutique et pédagogique (ITEP).

Enfin, même si les délais extrêmement resserrés dans lesquels la commission des lois du Sénat a du examiner ce texte et l’article 40 qui restreint l’initiative parlementaire ne vous ont pas permis d’aller au bout de cette démarche, les conditions de travail des personnes intervenant tout au long de la procédure judiciaire mériteraient que l’on si attarde.

•                Les Conseillers d’insertion et de probation, cheville ouvrière de l’aménagement de la peine, suivent actuellement en moyenne 88,4 dossiers, alors que les recommandations de l’étude d’impact annexée à la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 préconisaient qu’ils n’en suivent au maximum que 60.

•                Les 237 médecins coordonateurs sont en manque alarmant d’effectifs, alors qu’ils doivent traiter 5398 injonctions de soins par an

•                Enfin, alors que chaque psychiatre était en moyenne responsable de 61 expertise par an en 2002, ce chiffre est grimpé à 151 en 2009.

Comment, dans ces conditions, les professionnels du suivi et de la réinsertion, peuvent-il assurer sereinement leur mission? Cela est préjudiciable aussi bien en terme de réinsertion pour les détenus qu’en terme de condition de travail pour les professionnels du secteur, menacés par le burn out à force d’injonctions contradictoires, sans cesse poussés à faire mieux avec moins de moyens et une charge de travail plus importante.

En l’état, le projet de loi augmente certains effectifs mais je doute malheureusement que cela ne soit suffisant et prémunisse réellement les conseillers d’insertion et de probation, les médecins coordinateurs, les psychiatres experts et tant d’autres

Je ne serai pas plus longue et vous invite bien sûr à voter pour ce texte tel que modifié par la commission des lois, mais aussi à poursuivre notre travail sur les points que je viens d’évoquer, car la situation est réellement inquiétante.

Merci de votre attention

Le blog d’Aline Archimbaud