Intervention de Noël Mamère lors de la discussion générale de la Loi sur la récidive.
Partager

Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le ministre,

Je doute, Monsieur le Garde des Sceaux, que vous soyez le bon interlocuteur, tant cette honteuse proposition de loi apparaît inspirée par votre collègue de l’Intérieur, véritable champion du cynisme au service de la démagogie. Vous n’êtes en vérité ici qu’un petit télégraphiste consentant, prêt à saper les principes de notre droit.

N’avez-vous pas en effet appelé cette assemblée à défier le Conseil constitutionnel ? Dans la course éperdue à la répression menée par le Gouvernement, vous inventez un nouveau bouc-émissaire, le récidiviste, que vous livrez en pâture au bon peuple de France, et vous en profitez pour jeter de l’huile sur le feu de la peur qui couve toujours dans une société fragilisée économiquement et socialement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Vous avez préféré la démagogie au courage politique, faisant ainsi courir plus de risques à notre démocratie que les récidivistes à notre société. Car, les chiffres en témoignent, le supposé laxisme de la justice ne correspond à aucune réalité : la France est le pays européen le plus répressif en matière de délinquance sexuelle – 80 % des récidivistes sont condamnés à une peine de prison. D’autre part, toutes les études attestent que les personnes remises en liberté conditionnelle récidivent moins que celles ne bénéficiant d’aucun aménagement de peine – 9 % contre 17 %. Pourtant, en dépit des recommandations européennes, votre texte érige en remèdes miracles l’aggravation de la répression, le placement sous surveillance électronique mobile et les traitements inhibiteurs de la libido. Quel peut bien être l’effet préventif du bracelet en l’absence de toute mesure socio-éducative ?

Pourquoi ne révélez-vous pas à l’opinion que vous prétendez protéger que chaque conseiller d’insertion a en charge 110 condamnés ? Qu’il n’y a que 250 juges de l’application des peines pour 180 000 condamnés ? 26 services médico-psychologiques régionaux pour 188 établissements pénitentiaires ? Et que dire des 800 psychiatres qui manquent dans le secteur public, ou de la grande misère des médecins coordonnateurs ? Faut-il vous rappeler le rapport accablant de Gil Robles sur l’état de nos prisons ?

Il est temps de renoncer à ce populisme pénal, de revoir vos méthodes de travail, qui exaspèrent aujourd’hui l’ensemble du monde judiciaire. Aussi demandons-nous la création d’un observatoire de la récidive, qui centraliserait toutes les données et mobiliserait l’ensemble des compétences.

La contre-réforme à l’œuvre dans tous les domaines de la vie sociale, politique et judiciaire de notre pays contribue à démanteler les bases mêmes de notre République. A cet égard, votre loi s’inscrit dans la continuité du travail législatif commencé en 2002 par le ministre de l’Intérieur, qui veut faire de la justice l’auxiliaire de la police.

Quant renoncerez-vous à ces « lois spectacle » qui ne visent qu’à préempter les électeurs de Le Pen ?

Pour toutes ces raisons, les députés Verts voteront contre cette proposition.

Voir également l’examen article par article auquel a participé Noël Mamère, dans la rubrique « Interventions dans l’hémicycle » ou sur le site de l’Assemblée nationale


Suite aux interventions de Noël Mamère dans l’hémicycle, Pierre V. Tournier nous a écrit :

« Bravo à Noël Mamère pour ses interventions énergiques lors du débat à l’Assemblée nationale sur la proposition de loi. Il y avait au moins un « homme révolté » dans la salle. Hélas il était le seul, mes camarades socialistes étant d’une timidité effarante, en la circonstance. « L’homme révolté » de Camus commence ainsi « il y a des crimes de passion et des crimes de logique… » Cette loi « CLEMENT 1 » est un crime contre l’esprit, et c’est un crime de logique, la logique électoraliste de la pire espèce.