Jugement, mesures et sanctions pénales.
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Différents rapports, comme le rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) 2004 ou celui de la cour des comptes en 2005, établissent un état des lieux déplorable de la justice française.
Le budget, pourtant augmenté de 29% de 97 à 2002 et qui place à présent la France au 23e rang européen, en est l’expression, tout comme l’arrêt du plan d’action pour la Justice annoncé en 2001 (prévision de 1200 postes sur 4 ans) ou la relégation de la loi pénitentiaire (Maryse Lebranchu – 2001).
A cela vient s’ajouter une surproduction législative résultant davantage d’agitations médiatico-politiques contextuelles que d’un grand projet pour la Justice; le code pénal (pourtant réformé en 1994) voit s’accumuler de plus en plus fréquemment et sans cohérence les textes, aux dépens des magistrats eux mêmes éprouvant des difficultés à s’adapter aux variations du droit et à son application.

Au contraire, une réforme ambitieuse du code pénal est possible, dans le but de mieux adapter les peines à l’infraction, de rendre réelles l’exécution des peines, les réparations et de rendre lisibles et efficaces les décisions de justice. La réforme de l’échelle des peines et de leur application doit tenir compte des recommandations (Recommandation 1257 (1995) conseil de l’Europe) ainsi que des travaux des chercheurs et acteurs de la société civile organisée (Le texte directeur du Collectif « Octobre 2001 » en est un exemple). On s’emploiera à dépénaliser toute une série d’infractions de manière à s’inscrire résolument dans une politique réductionniste des peines dites « privatives de libertés », notamment la prison qui ne doit plus être la sanction de référence.
Des peines restrictives de liberté autonomes – sans référence à l’emprisonnement – doivent être inventées ou développées et les moyens de leur application effectifs (Services d’intérêt social ou général, probation à l’anglaise, TIG …).
Les peines perpétuelles et les périodes de sureté à la française seront abolies afin d’assurer l’objectif premier fixé par le droit français lors du prononcé d’une peine : la prévention de la récidive par l’amendement.
L’aménagement des peines et le suivi permettent, selon les études européennes et françaises de diviser par deux le risque de récidive. C’est notamment le cas pour les libérations conditionnelles (Recommandation Rec (2003) 22 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe), pourtant peu prononcées en France (4% en automne 2006) et qui devraient en toute logique devenir le mode commun de libération.

Afin de garantir un lien souhaitable entre la population et la justice, le système de l’échevinage devrait être étudié lors des procès en correctionnel. Dans le même esprit les décisions de justice doivent être reconnue de tous : toute condamnation doit donner lieu à une exécution de peine effective. La durée de la peine devra être fixe et l’application de celle-ci évolutive et aménagée.
Cela suppose un passage du système discrétionnaire que nous connaissons à un système d’aménagement d’office (par exemple octroi automatique d’une libération conditionnelle à mi-peine). Cet aménagement d’office évite les dérives discriminatoires lors de l’octroi. Avec une date de sortie fixée à l’avance, tous les acteurs (conseiller d’insertion, personne incarcérée, famille …) peuvent élaborer un véritable projet de réintégration dès les premiers temps de l’exécution de la peine (ce que ne permet pas vraiment le système actuel).
Cela impose de valoriser les aménagements de peines en milieu ouvert, respectant la dignité humaine et favorisant la réintégration des personnes condamnées, ainsi que le réexamen du régime des réductions de peines et du recours au décret de grâce collective (qui devront être logiquement abolis).

Nous réaffirmons la nécessité qu’une loi pénitentiaire soit adoptée afin d’affirmer au niveau de la loi certains principes et règles dont ne peut se passer un système carcéral moderne. Le débat national préalable est déjà demandé par nombre d’organisations (Campagne « Trop C Trop », Etats Généraux des prisons (lancées par l’OIP), Collectif « Octobre 2001 ») ainsi qu’imposé par les rapports successifs (Rapport de l’assemblée nationale 2001, Rapport Canivet (Prisons : une humiliation pour la République), Rapport du commissaire européen aux Droits de l’homme 2006). Cette loi pénitentiaire devra s’appuyer sur le projet établi en 2001, à la lumière des dernières recommandations du conseil de l’Europe signées en janvier 2006 par les 46 Etats membres : « Règles Pénitentiaires Européennes 2006 » (Recommandation R(06)XX sur les règles pénitentiaires 2006).

La problématique de la surpopulation des maisons d’arrêt doit être rapidement prise en compte et résolue (Voir à ce sujet « Deux ou trois choses que j’attends d’elles »). Cela est réalisable à court terme par la baisse du recours à l’incarcération préventive, à l’application stricte de la loi Kouchner (Loi du 4 mars 2002 Relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) sur la suspension de peine, l’aménagement des peines dont le reliquat est inférieur à un an.
En tout état de cause, l’augmentation du parc pénitentiaire ne saurait être une réponse sensée et serait improductive comme le rappellent, partout en Europe, nombre de rapports ou experts. L’augmentation du parc prévu pour les mineurs délinquants ne semble pas non plus être une voie à suivre, puisqu’on apprend pas la vie en prison et qu’en la matière l’ordonnance de 45 privilégiant le recours à l’éducatif et le rôle de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) sont à conserver.
L’objectif de la réintégration commence dès l’incarcération. C’est cet objectif qu’il convient de rendre cohérent tout au long de la peine en assurant aux personnes incarcérées l’exercice de leurs droits : droit du travail, droit à la santé (accès aux soins et application de la loi Kouchner sur la suspension de peine), droit à la formation, droit à la vie sociale et familiale (unité de vie familiale à généraliser), exercice effectif du droit à l’information et au droit de vote…
En plus de ces droits fondamentaux visant aussi à lutter contre la récidive, il convient d’éviter l’oisiveté en détention en proposant des mesures incitatives (rémunération) pour les détenus s’engageant dans des activités quotidiennes de formation (scolaire ou professionnelle), dans des activités salariées, culturelles ou sportives.

Sans contrôle il ne peut y avoir garantie des droits. Afin de garantir la transparence du milieu pénitentiaire, il est urgent de mettre en place un système de contrôle externe des prisons exercé par un organe indépendant et permanent pour tous les lieux de privations de libertés.

L’utilisation de la technologie dans la vie quotidienne au nom de la sécurité est à débattre avec les citoyens (vidéo surveillance, biométrie, carte Ines, bracelet électronique, puces, logiciels espions…).
De même,le nombres de fichiers, en constante augmentation sans soucis d’efficacité ni logique, sera revu à la baisse de manière à trouver l’équilibre entre sécurité, efficacité et liberté. La durée des informations conservées par ces fichiers devra s’inscrire dans une logique de raison et ne pourra être perpétuelle que dans des situations exceptionnelles. Le casier judiciaire, frein à la réintégration réelle, est à réformer en même temps que l’ensemble des empêchements ou interdictions qui y sont liés et qui sont à la fois mal connus et peu cohérents avec les objectifs fixés par le droit français.

Enfin, lutter contre la délinquance et la récidive ne peut se faire qu’en y associant pleinement les chercheurs et les associations oeuvrant dans ces champs disciplinaires (éducation, psychologie, médecine, sociologie, droit…). Une structure multidisciplinaire d’études et de recherches, rassemblant sous une même entité des organismes ou observatoires existants ou à créer, est à développer (Voir à ce sujet l’association Tetra).