La tribune politique des élus dans les supports d’information des collectivités
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L’article 2121-27-1 du Code Général des Collectivités Territoriales(C.G.C.T.) dispose :

« Dans les communes de 3 500 habitants et plus, lorsque la commune diffuse, sous quelque forme que ce soit, un bulletin d’information générale sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, un espace est réservé à l’expression des conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale. Les modalités d’application de cette disposition sont définies par le règlement intérieur. »

Une disposition comparable s’applique également dans les Départements (art. L.3121-24-1), les Régions (art. L 4132-23-1), et les Etablissements Publics de coopération intercommunale (art. L 5211-1).

En précisant que la disposition s’applique au bulletin sous quelque forme qu’il soit, on peut considérer que la disposition doit s’appliquer à tous les médias, et notamment aux pages du site internet de la ville. C’est le sens d’une réponse ministre de l’Intérieur publiée au JO Sénat du 13 octobre 2005 (fichier ci-contre). C’est également le sens d’un jugement du Tribunal Administratif de Versailles en date du 13 mai 2004 (en fichier pdf ci-contre).

La disposition concerne non seulement les éditions périodiques courantes, mais également les éditions particulières, comme c’est le cas notamment du bilan de mi-mandat : Tribunal Administratif de Lyon, 14 juin 2006, Commune de Saint Chamand. Elle donne un droit individuel à l’élu, sans que le règlement intérieur puisse subordonner l’exercice de ce droit à l’appartenance à un « groupe » : Tribunal Administratif de Strabourg, 16, mai 2003, Commune de Schiltigheim ; Cour Administrative d’Appel de Nancy, 4 juin 1998, Ville de Metz [sur les « groupes d’élus » voir également les [fiches pratiques No 42-42](droit d’amendement), [47(commissions), 203(moyens matériels) ]].

La manifestation publique de leurs opinions constitue pour les élus, une garantie consubstancielle de leur statut. C’est une condition essentielle du débat démocratique qui constitue une liberté fondamentale [T.A. Besançon, Ordonnance No 03.0218 du 21 février 2003]]. Elle est susceptible, comme telle, dans les cas les plus graves, de relever de la procédure du [« référé libertés » et donc des mesures prises par le Juge dans les 48 heures de sa saisine. Toutefois, hors les cas de gravité et d’illégalité manifeste requis dans la procédure de référé, il sera plutôt préféré une procédure plus traditionnelle en abrogation des dispositions irrégulières du règlement, ou en annulation du refus du Conseil Municipal de l’adapter à un niveau minimal juridiquement acceptable au regard des objectifs poursuivis par la Loi[Selon la Gazette des Communes, malgré la loi, 44% des communes de 5000 à 10.000 habitants n’attribueraient aucune page aux élus de l’opposition : Gazette des Communes, No 15/1833 du 10 avril 2006, page 64, Laurent Bigot : « quelles relations avec les élus de l’opposition »]].

Ainsi associé de par la Loi au service public de l’information municipale, il paraît clair que l’élu doit pouvoir obtenir les documents nécessaires à la rédaction de ses articles, et on comprendrait mal dès lors que les demandes d’un élu en ce sens puissent être regardées comme abusives et irrecevables. On sait à cet égard, que de nombreuses saisines de la CADA proviennent en réalité des élus [1].

L’élu lésé par un refus injustifié de publication pourrait également agir en annulation de ce refus devant le Tribunal Administratif (voir annexe 1) en sollicitant parrallèlement la suspension des effets de celui-ci en urgence devant le juge des référés (voir annexe 2), le cas échéant en excipant de l’illégalité de la disposition du règlement intérieur qui lui serait ainsi irrégulièrement opposée[Les administrations ont l’obligation de ne pas appliquer les dispositions illégales d’un règlement. Il n’est donc pas strictement indispensable de solliciter l’annulation ou l’abrogation du règlement intérieur lorsque l’on veut contester son application particulière à une demande de publication d’un texte]].

Dans le même ordre d’idées, l’élu peut contester directement devant le Juge Administratif les dispositions illégales d’un règlement intérieur non conforme à la loi [2]. Il peut par ailleurs, et à tout moment, en demander l’abrogation (voir annexes 4 et 5).

LIBRE EXPRESSION ET DROIT DE LA PRESSE

Bien que le Ministre de l’Intérieur croit devoir bien imprudemment affirmer le contraire dans une réponse ministérielle du 20 février 2005 (fichier Pdf ci-contre), extrapolant de façon rocambolesque une jurisprudence n’ayant que des liens très éloignés avec les instances locales, il y a lieu de penser que le Maire, en sa qualité de Directeur de la Publication, reste co-responsable des infractions pénales à la Loi de 1881 qui ressortiraient de la publication d’un texte comportant de telles infractions. Sur la commission de ces délits correctionnels qui seraient particulièrement graves dans un bulletin municipal, la réponse du Ministre de l’Intérieur recommande au Maire de .. solliciter de l’auteur la modification de son texte injurieux, …avant que de le publier … et donc de se rendre mécaniquement complice (par fourniture des moyens de la collectivité) ou coauteur..du délit !? pourtant, et plus sérieusement, on peut considérer que la [Loi du 28 juillet 1881 sur la presseva heureusement bien au delà dans les obligations dirimantes qu’elle impose à tout directeur de publication, quel qu’il soit : le Code Général des Collectivités ne comporte d’ailleurs aucune immunité concernant les Maires-directeurs de publication, y compris dans la publication des articles des élus de l’opposition. En application de la loi de 1881, le Maire s’exposerait pénalement personnellement en tant que Directeur de Publication en publiant des textes diffamatoires, injurieux, sexistes, racistes, homophobes, et ce, quand bien même ces articles auraient été publiés à la demande d’élus de l’opposition au titre de leur droit d’expression prévu par le C.G.C.T.[La confusion de la réponse ministérielle vient de ce qu’elle présente comme identiques pour un Directeur de Publication, d’une part, l’obligation de publier une annonce légale (en l’espèce une décision juridictionnelle) prévue par le Code de Sécurité Sociale et, d’autre part, pour un maire, celle de publier un libre propos prévue par le Code Général des Collectivités. Pourtant, ces obligations sont très différentes à de nombreux titres, et le contenu d’un libre-propos d’un élu, fût-il de l’opposition, n’a jamais eu la portée ni la valeur impérative d’un jugement exécutoire : [Cass 17 octobre 1995. En réalité, si le maire estime que le texte comporte des termes injurieux ou diffamatoires, il doit informer immédiatement l’élu de son refus de publier ce texte en l’état, à charge pour celui-ci s’il estime devoir maintenir inchangé son texte de s’en expliquer, justifier de ses propos, le cas échéant, saisir le tribunal d’une demande d’annulation (voir annexe 1), le juge des référés d’une demande de suspension (voir annexe 2), ou encore, avec plus d’incertitudes, le juge d’un référé liberté 48 heures : voir sur ce point fiche pratique No 16 ]].

Une nouvelle réponse ministérielle (23 février 2006 en fichier ci-joint) est venue préciser que « La mention de l’obligation légale de réserver une tribune d’expression aux conseillers minoritaires et de la responsabilité des auteurs des articles quant à leur contenu serait de nature à clarifier les obligations respectives du directeur de publication et des conseillers concernés » [Les responsabilités respectives seraient parfaitement claires si le Ministre lui-même ne venait pas semer le trouble en affirmant comme il croit devoir le faire que le Maire pourrait n’être pas pénalement responsable des propos injurieux et diffamants publiés dans la presse municipale dont il est le Directeur de Publication]].

De son côté, lorsqu’il est victime de propos injurieux ou diffamatoires provenant du bulletin municipal, l’élu d’opposition dispose outre son recours devant la juridiction pénale, d’un recours devant le Juge Administratif en annulation de la décision de publier (annexe 6) accompagné d’une demande de suspension de ses effets (annexe 7). Ces procédures seront transmises au Procureur de la République (annexe 8).







ANNEXE 1 : DEMANDE AU TRIBUNAL D’ANNULATION DU REFUS DU MAIRE DE PUBLIER L’ARTICLE D’UN ELU N’APPARTENANT PAS A LA MAJORITE

Mesdames et Messieurs les Président et conseillers composant le Tribunal Administratif de …,

Par envoi en date du …, j’ai transmis à M. le Maire, l’article dont je lui demandais d’assurer la publication dans le cadre du droit que je détiens en application de l’article 2121-27-1 du Code Général des Collectivités Territoriales.

Monsieur le Maire m’a fait savoir qu’il refusait la diffusion de ce texte au motif que ….

Ce motif est entâché d’illégalité des lors que …….

En conséquence, je vous demande par la présente requête, d’annuler la décision du Maire de refuser la publication de ce texte.

Pièces jointes :

  • l’article dont j’ai demandé la publication au Maire
  • la lettre de refus (ou ma lettre demeurée sans suite ..)
  • le règlement intérieur (extrait)
  • etc ..

ANNEXE 2 : DEMANDE AU JUGE DES REFERES DE SUSPENDRE LE REFUS DU MAIRE DE PUBLIER L’ARTICLE D’UN ELU N’APPARTENANT PAS A LA MAJORITE

Madame ou monsieur le Juge des Référés du Tribunal Administratif, [important : procéduralement, cette demande en référé suspension n’est recevable qu’à la condition impérative d’être accompagnée ou précédée d’une demande au tribunal telle que visée ci-dessus en annexe 1 d’annulation de la décision de refus de publier]]

Par envoi en date du …, j’ai transmis à M. le Maire, l’article dont je lui demandais d’assurer la publication dans le cadre du droit que je détiens en application de l’article [2121-27-1 du Code Général des Collectivités Territoriales.

Monsieur le Maire m’a fait savoir qu’il refusait la diffusion de ce texte au motif que ….

Ce motif est entâché d’illégalité des lors que …….

En conséquence, j’ai saisi le Tribunal d’une demande d’annuler la décision du Maire de refuser la publication de ce texte.

Par la présente requête, vu l’urgence et les moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision, je vous demande en application de l’article L 521-1 du Code de Justice Administrative, de suspendre les effets de la décision du Maire de refus de publier.
Je vous prie de croire, …

Pièces jointes :

  • l’article dont je demande la publication au Maire
  • la lettre de refus (ou ma lettre demeurée sans suite ..)
  • le règlement intérieur (extrait)
  • la copie de ma requête en annulation du refus de publier
  • etc ..

ANNEXE 3 : EN PERIODE PRE-ELECTORALE

La loi sur la démocratie de proximité (février 2002) est trop récente pour que la jurisprudence ait pu trancher toutes les difficultés d’interprétation qu’elle peut soulever, notamment au regard de son application combinée avec d’autres dispositions légales applicables notamment en période pré-électorale.

En période d’élections locales, la communication officielle des listes de la majorité ou de l’opposition peut ainsi se trouver sujette à interrogations ou litiges ; certaines municipalités prévoient à cet égard, de façon un peu drastique, la suspension de la diffusion de tout bulletin municipal pendant ces périodes : Voir notamment la Réponse Ministérielle du 26 avril 2005[dans une Ordonnance de référé du 9 mars 2007, commune de Plessis Robinson, le juge délégué du Tribunal Administratif de Versailles a rétabli le droit des élus à la tribune que la municipalité voulait leur supprimer pendant la période pré-électorale]].

Un candidat aux élections cantonales qui s’est exprimé sur 4 pages dans le bulletin municipal peut voir son compte de campagne augmenté d’une somme correspondante :
[Conseil d’Etat, 10 juin 1996
.

Voir également les développements sur cette question dans la brochure très documentée de l’Association des Maires de France : élections municipales de 2008, les règles de la période électorale

ANNEXE 4 : DEMANDE AU MAIRE D’ABROGATION D’UNE DISPOSITION ILLEGALE DU REGLEMENT INTERIEUR

Madame ou Monsieur le Maire,

En ma qualité d’élu local n’appartenant pas à la majorité, je dispose d’un droit d’expression en application de l’article 2121-27-1 du Code Général des Collectivités Territoriales.

Toutefois, le règlement intérieur du Conseil Municipal dispose que (…)

Cette disposition est illégale dès lors que (…).

Il est de règle en application notamment de l’article 3 du Décret du 28 novembre 1983 sur les relations entre usagers et administrations, que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures à cette date.

Dans ces conditions, je vous invite à faire procéder à l’abrogation de cette disposition illégale du règlement intérieur par le Conseil Municipal.



Veuillez agréer, (..)

Pièces jointes :

  • le règlement intérieur (extrait)
  • etc ..

ANNEXE 5 : DEMANDE AU TRIBUNAL D’ANNULATION DU REFUS DE LA COMMUNE D’ABROGER UNE DISPOSITION ILLEGALE DU REGLEMENT INTERIEUR

Mesdames et Messieurs les Président et conseillers composant le Tribunal Administratif de ..,[Le Tribunal doit être saisi dans les deux mois du refus d’abrogation explicite, ou, en cas de silence pendant un délai deux mois de l’envoi de la demande, dans les deux mois consécutifs, soit donc dans les 2 mois + 2mois = 4 mois de la demande visée en annexe 4]]

Par envoi en date du …, j’ai transmis à M. le Maire, une demande d’abrogation de l’article ?? du règlement intérieur relative au droit d’expression des élus n’appartenant pas à la majorité (article [2121-27-1 du Code Général des Collectivités Territoriales).

Cette disposition est illégale dès lors que (..)

Monsieur le Maire a fait savoir qu’il refusait l’abrogation sollicitée au motif que ….

Ce motif est entâché d’illégalité des lors que …….

Il est de règle en application notamment de l’article 3 du Décret du 28 novembre 1983 sur les relations entre usagers et administrations, que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures à cette date.

En conséquence, je vous demande par la présente requête, d’annuler la décision de la commune de .. de refuser d’abroger l’article ..du règlement intérieur.

Pièces jointes :

  • le règlement intérieur (extrait)
  • la lettre de demande d’abrogation en date du ..
  • etc ..

ANNEXE 6 : DEMANDE AU TRIBUNAL D’ANNULATION DE LA DECISION DE PUBLIER[faute de données jurisprudentielles précises, il est difficile de définir quelles seraient exactement les chances de succès d’une demande de ce type. Au surplus, d’autres voies d’action peuvent être mises en oeuvre, spécialement la voie pénale…]]

Mesdames et Messieurs les Président et conseillers composant le Tribunal Administratif de ..,[3]

Le bulletin municipal en date du .. comporte en page .. un article diffamatoire (ou injurieux) à mon encontre, sous la signature de ..

Cette imputation est illégale dès lors que (citer les dispositions de la [loi du 28 juillet 1881 sur la presse)

En conséquence, je vous demande par la présente requête, d’annuler la décision du Maire de la commune de .. de publier cet article.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression etc ..)

Pièces jointes :

  • l’article litigieux publié le ..
  • le règlement intérieur (extrait)
  • etc ..

ANNEXE 7 : DEMANDE AU JUGE DES REFERES DE SUSPENDRE LES EFFETS DE LA DECISION DU MAIRE DE PUBLIER

Madame ou monsieur le Juge des Référés du Tribunal Administratif, [important : procéduralement, cette demande en référé suspension n’est recevable qu’à la condition impérative d’être accompagnée ou précédée d’une demande au tribunal telle que visée ci-dessus en annexe 6 d’annulation de la décision de publier]]

Le bulletin municipal en date du .. comporte en page .. un article diffamatoire (ou injurieux) à mon encontre, sous la signature de ..

Cette imputation est illégale dès lors que (citer les dispositions de la [loi du 28 juillet 1881 sur la presse).

En conséquence, j’ai saisi le Tribunal d’une demande d’annuler la décision du Maire de publication de ce texte.

Par la présente, vu l’urgence et les moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision, je vous demande par la présente requête en application de l’article L 521-1 du Code de Justice Administrative, de suspendre les effets de la décision du Maire de publier.

Je vous prie de croire, …

Pièces jointes :

  • l’article litigieux
  • le règlement intérieur (extrait)
  • la copie de ma requête en annulation de la décision de publier
  • etc ..

ANNEXE 8 : DENONCIATION DE LA PROCEDURE AU PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

Madame ou monsieur le Procureur de la République,

Le bulletin municipal en date du .. comporte en page .. un article diffamatoire (ou injurieux) à mon encontre, sous la signature de ..

Cette imputation est illégale dès lors que (citer les dispositions de la loi du 28 juillet 1881 sur la presse)

En conséquence, j’ai saisi :

  • le Tribunal Administratif d’une demande (requête) d’annuler la décision du Maire de publication de ce texte.
  • le Juges des Référés d’une demande (requête) de suspension des effets de cette décision.

Par la présente lettre recommandée avec avis de réception, dont j’adresse copie au Tribunal Administratif, j’ai l’honneur de vous dénoncer ces deux procédures.

Veuillez agréer, Monsieur le Procureur, etc ..

Pièces jointes :

  • l’article litigieux
  • le règlement intérieur (extrait)
  • la copie de ma requête en annulation de la décision de publier
  • la copie de ma requête en suspension des effets de la décision
  • etc ..

Notes

[1]  Gazette des Communes, No 15/1833 du 10 avril 2006, page 64, Laurent Bigot : « quelles relations avec les élus de l’opposition » ;sur [l’accès aux documents administratifs : voir les fiches No 11 et 77

[2] voir notamment, pour un règlement intérieur ne comportant pas de droit d’expression dans le bulletin de bilan après 3 ans de mandat : T.A. Lyon, 14 juin 2006, Commune de Saint Chamand

[3] Le Tribunal doit être saisi dans les deux mois de la décision de publier