Le garde des sceaux rejette avec force un numerus clausus dans les prisons.
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Le ministre de la justice, Pascal Clément, s’est fait huer, mercredi 7 décembre, à Paris, lors des deuxièmes rencontres parlementaires sur les prisons présidées par les députés Christine Boutin (UMP), Jacques Floch (PS) et Jean-Luc Warsmann (UMP), vice-président de l’Assemblée nationale. En cause : le numerus clausus que certains proposent d’appliquer aux prisons, et que le ministre rejette avec force.

Cette solution controversée revient dans le débat sur la surpopulation carcérale française. Il s’agit, selon ses promoteurs, de fixer un nombre maximum de personnes détenues. Ils ne souhaitent pas empêcher les juges de choisir l’incarcération comme mode de sanction, mais obliger le système judiciaire à mieux utiliser les peines alternatives à la prison (amende, travail d’intérêt général, mise à l’épreuve, etc.) et à mieux aménager les incarcérations, comme le prévoit la loi (limitation de la détention provisoire, développement de la libération conditionnelle).

La France compte 58 000 détenus pour 51 000 places ;
95 000 personnes entrent et sortent de prison chaque année ;
80 % des sortants sont libérés sans aucun suivi.

Une campagne d’opinion en faveur du numerus clausus doit débuter samedi 14 janvier 2006, à Lyon, à l’initiative de l’association Trop, c’est trop, créée par Bernard Bolze. Ce dernier, fondateur de l’Observatoire international des prisons, est l’initiateur de la campagne qui avait réclamé la suppression de la double peine des étrangers.

« RÊVEZ TOUT SEULS ! »

«  Il y a toujours eu en France des gens pour rêver, rêvez tout seuls ! « , s’est exclamé le garde des sceaux, devant une salle composée de personnels pénitentiaires, de travailleurs sociaux, de représentants d’associations et d’aumôniers intervenant en prison.
« Le numerus clausus interdirait l’incarcération d’une personne condamnée par un tribunal en cas de dépassement des capacités d’accueil des établissements pénitentiaires. Ainsi, il faudrait laisser en liberté un condamné. C’est inconstitutionnel !« , a affirmé M. Clément.

Dans l’assistance, on lui a répondu : « Non, ce n’est pas cela ! » Puis : « Démagogie ! » De nombreux participants ont quitté la salle. « Toute présentation qui consisterait à dire qu’une personne prévenue ne saurait entrer en prison au motif que l’établissement est saturé serait dilatoire : cette issue n’est pas préconisée« , explique le document de lancement de la campagne en faveur du numerus clausus.

L’augmentation du nombre de places de prison par des constructions nouvelles est aussi écartée : « Depuis le XIXe siècle, on sait qu’elle n’a jamais résolu la question du surencombrement des cellules. » « Dans le TGV, on ne met qu’une personne par place, sinon les gens se battraient, explique Bernard Bolze. En prison, il ne faut plus accepter que dans une place, c’est-à-dire 9 mètres carrés, on mette plus d’une personne. »

Nathalie Guibert
Article paru dans l’édition du 09.12.05