Le pourvoi en cassation « dans l’intérêt de la Loi » en matière civile, pénale et administrative
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Lorsqu’une affaire a été définitivement jugée dans un sens contraire à la loi, et que les voies de recours n’ont pas été exercées par les parties, il existe néanmoins en matière civile, pénale ou administrative, des procédures qui permettent au juge de cassation sans remettre en cause la solution irrévocable apportée par les premiers juges dans le dossier qu’ils ont eu à juger, de néanmoins énoncer les règles de droit qui auraient dû être appliquées au litige, et fixer la jurisprudence : il s’agit des pourvois « dans l’intérêt de la loi ».

De cette façon, les associations, les partis politiques, les militants et citoyens peuvent être amenés à interpeler les instances compétentes, et notamment les ministres concernés, pour faire engager devant la Cour de Cassation ou le Conseil d’Etat, une procédure visant « dans l’intérêt de la loi » à casser une jurisprudence qu’ils estiment contraire à la loi ou à l’ordre public.

Au demeurant, cette interpellation pourrait aussi être celle d’un plaideur débouté par les premiers juges, qui, ne souhaitant pas lui-même aller jusque devant les juridictions de cassation, ni en avancer les frais, ni en prendre les risques, voudrait toutefois à des fins purement morales ou intellectuelles qu’un recours dans le seul « intérêt de la loi » soit mené par un représentant de l’Etat et de l’ordre public pour faire dire une règle de droit, que peut-être l’imprécision des textes ne permet pas encore d’établir avec suffisamment de certitude.

EN MATIERE CIVILE

Afin de faire respecter les principes du droit, le procureur général peut former un pourvoi contre toute décision qui n’aurait pas été attaquée en temps utile par les parties. Le but est de faire ainsi cesser l’insécurité juridique et le trouble social qui pourrait résulter de la violation de la loi par un tribunal. On évite ainsi une jurisprudence incohérente ou contraire à la loi [ainsi [Cass, assemblée plénière, 31 mai 1991, ayant condamné la pratique des mères porteuses avant la loi de bioéthique ; voir aussi sur la même décision litigieuse la réponse ministérielle JO sénat du 6 décembre 1990]].

Cette action très particulière est prévue par la loi 67-523 du 3 juillet 1967
relative à la Cour de Cassation en son article 17, lequel dispose :


« Si le procureur général près la Cour de cassation apprend qu’il a été rendu, en matière civile, une décision contraire aux lois, aux règlements ou aux formes de procéder, contre laquelle cependant aucune des parties n’a réclamé dans le délai fixé, ou qui a été exécutée, il en saisit la Cour de cassation après l’expiration du délai ou après l’exécution.

Si une cassation intervient, les parties ne peuvent s’en prévaloir pour éluder les dispositions de la décision cassée. »

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Pour ce type de pourvoi, le procureur n’a aucun délai, mais il ne peut l’exercer qu’après expiration du délai des parties.

Le code de procédure civile précise donc en son l’article 618-1 une formalité préalable nécessaire lorsque la décision litigieuse n’est pas définitive : l’invitation qui est faite par le Parquet Général au ministère public de la juridiction de procéder à la notification de cette décision aux parties par lettre recommandée .

La Cour qui est alors appelée à se prononcer sur la conformité de la solution judiciaire au droit mais seulement dans l’intérêt de la loi et donc sans renvoi ni effet pour les parties initiales au litige
[En cas d’ »excès de pouvoir », prévu à l'[article 18 du même texte, le procureur agira seulement sur l’ordre du ministère de la justice : un acte de procédure, comme un jugement peut être constitutif d’un « excès de pouvoir », lorsqu’il y a empiètement du pouvoir judiciaire sur l’exécutif ]].

EN MATIERE PENALE

L’article 621 du Code de Procédure Pénale dispose que :


Lorsqu’il a été rendu par une cour d’appel ou d’assises ou par un tribunal correctionnel ou de police, un arrêt ou jugement en dernier ressort, sujet à cassation, et contre lequel néanmoins aucune des parties ne s’est pourvue dans le délai déterminé, le procureur général près la Cour de cassation peut d’office et nonobstant l’expiration du délai se pourvoir, mais dans le seul intérêt de la loi, contre ledit jugement ou arrêt. La Cour se prononce sur la recevabilité et le bien-fondé de ce pourvoi. Si le pourvoi est accueilli, la cassation est prononcée, sans que les parties puissent s’en prévaloir et s’opposer à l’exécution de la décision annulée.






Voir concernant des « mesures éducatives » pour le moins humiliantes et choquantes concernant des malades autistes Cassation criminelle, 2 décembre 1998





EN MATIERE ADMINISTRATIVE

Le recours dans l’intérêt de la loi fait partie des voies de recours spéciales auprès de la juridiction administrative. Cette possibilité, offerte aux ministres, est purement jurisprudentielle. L’annulation d’un arrêt ou d’un jugement n’a qu’une portée doctrinale. Elle est sans conséquence à l’égard des parties à l’instance dans laquelle le jugement contesté a été rendu. Elle ne peut leur nuire ni leur profiter.

Voir par exemple sur l’absence de pouvoir de police des maires dans le domaine aéronautique, la Cassation « dans l’intérêt de la Loi » d’une décision qui avait méconnu cette règle : Conseil d’Etat, 10 avril 2002