Les Verts contre la rétention de sureté.
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Rétention de sûreté – Interview de Leriche Laurent co-responsable commission justice des Verts au lendemain de la nuit des libertés par la radio KPFK du réseau américain Pacifica de Los Angeles.
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Les verts se sont opposés à la rétention de sureté, et ce pour plusieurs raisons.

  • D’une part parce que ce projet de dangerosité est dangereux.


La rétention ce n’est pas une peine. Parce qu’une peine à une cause précise (le crime), un but définit (la réinsertion) et aussi une fin.
La rétention ce n’est pas une logique de soin.
Parce que dans ce cas pourquoi attendre 15 ans de détention pour enfin se préoccuper des soins donnés aux détenus et les placer dans un « centre médico-socio-judiciaire » ? Parce que la situation du soin dans les prisons françaises est catastrophiques. Certains détenus, qui demandent des soins, doivent parfois attendre plusieurs mois pour enfin voir un psychiatre
La rétention c’est une logique d’élimination sociale. Si la procédure de rétention a été instaurée en Allemagne en 1933, ce n’est pas un hasard. Elle vise à retirer les éléments malsains pour assainir le corps social. _ Cette logique est dangereuse car elle ne connaît pas de limites. C’est avec ce type de logique que Garry Kasparov a récemment été retenu en Russie.

  • D’autre part parce que ce projet ne repose que sur un concept très flou, la dangerosité.


Si ce mot est constamment cité dans la loi sur la rétention de sûreté, on cherchera en vain une définition précise du concept.
(Définition d’Evry Archer : La dangerosité, ce n’est rien d’autre que la probabilité estimée avec plus ou moins de rigueur, jamais égale à l’unité – c’est à dire certaine – mais jamais nulle – c’est-à-dire impossible – pour un sujet plus ou moins malade mental, d’accomplir dans une unité de temps plus ou moins longue, dans des contextes plus ou moins propices, impossibles à prévoir, une agression plus ou moins grave. )
Qu’est ce qui peut nous assurer qu’un individu est ou n’est pas dangereux ? Des psychiatres spécialistes nous ont avoués qu’ils n’étaient pas plus compétents que n’importe qui pour prédire cette fameuse dangerosité.
Le rapport Burgelin lui-même, qui est à l’origine du projet de loi, évalue le nombre de faux-positifs de 60 à 85 % des diagnostiques.
Imagine-t-on une justice qui se tromperait 3 fois sur 4 ?

Et pourtant…

Plus que les facteurs antérieurs ou les diagnostiques Diafoirus, une étude du gouvernement canadien a montré que la récidive dépendait essentiellement, non pas du passé du détenu, mais des conditions de sa réinsertion, du suivi de son traitement et son accueil fait par la collectivité.

Alors cela fait peut-être démodé et angélique de parler de réinsertion, il n’empêche que c’est peut-être plus efficace que la politique qui a été conduite depuis 30 ans qui nous a menés dans le mur : Les peines et le nombre de détenus ont doublé en France ces 30 dernières années.
Le nombre de Travaux d’Intérêts généraux prononcés stagne.
La France est toujours dans les derniers rangs d’utilisation de la libération conditionnelle, et ce chiffre continue de baisser.
Et pour quels résultats ?

Plutôt que de préparer un trentième projet de loi urgent sur la récidive ou de réforme de l’ordonnance de 45, dont le mot d’ordre serait une fois de plus « Taper plus, taper plus fort », le gouvernement devrait enfin réfléchir à une véritable politique de sécurité qui ne mépriserait pas la prévention et la réinsertion.
Nous attendons toujours le contrôleur général des lieux de privation de liberté promis pour la fin de l’an dernier.
Nous attendons toujours la loi pénitentiaire promise pour l’an dernier. Nous attendons enfin une vraie politique sur les aménagements de peine.
Mais nous pouvons malheureusement attendre longtemps pour une véritable politique qui ne confonde pas sécurité et répression, et qui n’oublie pas, ni la prévention, ni la réinsertion.

Discours de Cécile Duflot
Secrétaire Nationale des Verts
Nuits des libertés – 20 mars 2008