L’indemnisation de la victime du fonctionnement défectueux du service public de la justice
Partager

L’usager du service public de la justice risque, le cas échéant, de constater et peut-être de pâtir lui-même de dysfonctionnements de ce service. Ce sont les cas dans lesquels le service public ne respecte pas les règles de fonctionnement qui sont, ou devraient être les siennes[Le dysfonctionnement du service public de la justice ne se confond pas nécessairement avec l' »erreur judiciaire », laquelle peut ne pas révéler de dysfonctionnement proprement dit du service public, mais relever d’une faute ponctuelle d’analyse du litige, et des règles de droit applicables à celui-ci]].

Certains de ces dysfonctionnements sont bien connus et ils sont périodiquement dénoncés dans la presse professionnelle ou même celle, grand public, « d’actualité » :

  • audiences anormalement longues et chargées [1]
  • non-respect de certaines règles de procédures : dans le cadre des procédures orales, le principe du « contradictoire » sera parfois ainsi mis à mal lorsque l’un des plaideurs n’a pas fait connaître ses moyens à son adversaire avant l’audience comme il devrait normalement le faire, voire lorsque le Juge soulève d’office lui-même un moyen sans en aviser les parties en temps utile; En matière pénale, et sur la question de l’audition des témoins voir la condamnation de la France par arrêt du 13 avril 2006, la Cour Européenne constatant que les juridictions françaises avaient retenu dans ce dossier qu’il était impossible d’entendre les témoins à charge sur lesquels reposait essentiellement la poursuite alors qu’elle constate au contraire que leurs adresses figuraient dans le dossier.
  • durées anormalement longues ou anormalement rapides des procédures devant certaines juridictions
  • atteintes au secret de l’instruction
  • requête ou documents égarés par la juridiction : Dans un cas où la requête est égarée par le Tribunal, mais curieusement, le Ministère public y répond : C.E.D.H. 7 mars 2006, Requête no 8287/02 en fichier pdf ci-contre
  • décisions hâtives de mesures provisoires graves s’avérant finalement infondées et réformées ultérieurement
  • durée anormalement longue de la détention provisoire : condamnant une détention provisoire de plus de trois ans : Cour Européenne des Droits de l’Homme, 13 septembre 2005, Gosselin/France
  • etc …

Pour autant, les dysfonctionnements du service public de la Justice, même s’ils sont valablement constatés, n’engagent qu’assez exceptionnellement la responsabilité de l’Etat.

En effet, l’article L. 781-1 C. organisation judiciaire pose en règle que


« l’Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la Justice. Cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par un déni de Justice (..) ».

La jurisprudence retient que « constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi »
[Cour de cassation [(Assemblée plénière), 23 février 2001 MME VEUVE L.. ET AUTRES C. M AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR]].

Dans ces conditions, et s’il ne peut caractériser et établir une faute lourde ou un déni de justice, l’usager victime d’un dysfonctionnement devra, le plus souvent, subir son sort sans aucun recours réel, les demandes fondées sur l’article L 781-1 du Code de l’Organisation Judiciaire restant relativement exceptionnelles [Il existe certains particularismes devant la juridiction administrative : sur une durée de 7 ans et 6 mois d’une procédure devant la Juridiction administrative : [Conseil d’Etat, 28 juin 2002 No N° 239575 ]].

Lorsque la demande de réparation de la victime d’un dysfonctionnement du service public de la justice est d’un montant inférieur à 10.000 €uros, elle sera conduite devant le Tribunal d’Instance du lieu du dysfonctionnement, à l’encontre de l’agent judiciaire du trésor territorialement compétent. Si elle est d’un montant inférieur à 4.000 €uros, elle relèvera du juge de proximité : voir la fiche pratique No 79. Dans un cas comme dans l’autre, la saisine du tribunal d’Instance ou du juge de proximité peut-être précédée d’une demande de conciliation devant ces mêmes juridictions : voir sur la procédure de conciliation, la fiche pratique No 14.

Indépendamment des dispositions précitées du Code de l’Organisation Judiciaire, les articles 149 et suivants du Code de Procédure Pénale prévoient des mesures d’indemnisation en cas de détention provisoire suivie d’un non lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement. Cette indemnisation est indépendante d’une faute de l’administration.

Sur un plan disciplinaire, concernant les dysfonctionnements des juridictions judiciaires, la chancellerie indique toutefois qu’elle procède à un examen de toutes les réclamations qui lui sont transmises : voir annexe 2 .