Nomination judiciaire : l’Elysée critiqué .
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L’opposition craint une manoeuvre derrière la possible nomination d’un proche de Jacques Chirac au poste de procureur général de Paris.
La possible nomination au poste de procureur général de Paris de Laurent Le Mesle, ancien conseiller de Jacques Chirac et actuel directeur de cabinet du ministre de la Justice, suscite la colère de l’opposition de gauche et des syndicats de magistrats.
Ce poste-clef pour le traitement des dossiers politico-financiers les plus sensibles doit en effet être pourvu avant le 6 octobre, date à laquelle Yves Bot, l’actuel procureur général, prendra ses nouvelles fonctions d’avocat général à la Cour de justice des communautés européennes. Or le nouveau procureur général sera désigné par un décret du président Chirac, sans avis, même consultatif, du Conseil supérieur de la magistrature, une procédure en elle-même sujette de longue date à de nombreuses critiques.
Le Parti socialiste s’est élevé lundi contre la nomination attendue de Laurent Le Mesle, estimant que ce serait une nomination « marquée du sceau partisan ».
Le PS souhaite qu’il n’y ait pas « une nomination marquée du sceau partisan, alors que la justice doit être indépendante », a souligné le porte-parole du PS Julien Dray, lors du point de presse hebdomadaire du parti.

Stratégie de protection

Il a indiqué aussi que ce n’était pas « un procès ad hominem » et que les compétences de Laurent Le Mesle n’étaient « pas contestées ».
« Mais c’est la méthode », a-t-il ajouté. « A quelques mois d’une élection présidentielle aussi importante, sur un poste sensible, il n’est pas utile de prendre une telle décision, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une nomination qui soit suspectée d’être partisane », a déclaré Julien Dray.
Il a souligné aussi le « risque de suspicion » que, par cette nomination, Jacques Chirac « soit en train de mettre en place je ne sais quelle stratégie pour se protéger ».

Après-2007

Le ministre de la Justice Pascal Clément a reconnu que son directeur de cabinet était un des candidats. Mais il a insisté publiquement sur les « qualités de juriste » de ce magistrat de 55 ans, qui fut conseiller à l’Elysée de 2002 à 2005 avant d’arriver place Vendôme.
L’Union syndicale de la magistrature (USM, majoritaire) estime que sa nomination possible vise à gérer l’après-2007, Jacques Chirac, s’il n’est plus à la tête de l’Etat, risquant alors des auditions, voire des poursuites, dans certains dossiers judiciaires visant la gestion de la mairie de Paris, qu’il a dirigée de 1977 à 1995.
« Ceci confirme une reprise en main et renvoie aux citoyens et justiciables une image désastreuse de la gestion de la magistrature aux lendemains de l’affaire d’Outreau. C’est une nomination purement politique, un signal envoyé qui paraît catastrophique », affirme Laurent Bédouet, secrétaire national de l’USM.

Immunité pénale

Dimanche, le premier secrétaire du Parti socialiste François Hollande a estimé que le président Chirac cherchait à « se protéger des éventuelles poursuites judiciaires qui pourraient être engagées à son endroit ». Il a par ailleurs promis « toutes les interventions nécessaires pour qu’il n’y ait pas une utilisation privative des nominations ».
Depuis un arrêt de la Cour de cassation en 2001, le président de la République bénéficie d’une immunité pénale qui interdit toute audition ou mise en examen pendant son mandat, et Jacques Chirac n’a donc jamais été inquiété dans plusieurs procès ayant touché certains de ses proches.
La Cour de cassation a cependant ouvert dans le même arrêt de 2001 l’hypothèse de poursuites après le départ du chef de l’Etat de l’Elysée, en stipulant qu’il ne pourrait pas bénéficier à ce moment de la règle de la prescription (poursuites impossibles en cas de faits trop anciens).


P.S. :
Sur le site du nouvel Observateur