Stéphane Gatignon : pour une police territorialisée
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Stéphane Gatignon, maire de Sevran (Seine-Saint-Denis), EELV, conseiller régional d’Île-de-France

Le cri d’alarme lancé par ma collègue socialiste Samia Ghali, maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille, a fait couler beaucoup d’encre. La sénatrice PS en a appelé à l’armée face à une situation que, à juste titre, elle juge délétère. La situation marseillaise est explosive mais ne doit pas masquer que la plupart des grands centres urbains (mégalopole parisienne comprise) sont concernés et que le milieu rural n’est plus épargné. Le rapport à la loi est bouleversé.

Le banditisme lui-même est en pleine rupture. Une nouvelle génération de « caïds » issue des cités s’impose grâce à l’argent de la drogue, principalement du cannabis. Ces jeunes caïds, plus proches du héros de Scarface de Brian de Palma que des figures mythiques du milieu, déstabilisent les vieilles mafias régionales. Les populations des banlieues et des quartiers difficiles sont placées ainsi dans des situations de peur et de souffrance invivables. Les points de repère volent en éclats.

Face à cette réalité, j’en avais symboliquement appelé aux casques bleus il y a un an. Devant cette violence quotidienne, Samia Ghali s’est insurgée. Chacun de notre côté, nous crions pour que la République pèse de tout son poids afin de rétablir le droit à la sécurité.

Nous payons la crise par la paupérisation et la généralisation d’un système de « la débrouille ». Nous payons d’abord de ne pas avoir anticipé une vraie rupture civilisationnelle. L’inéluctable concentration urbaine génère de nouveaux types de rapports sociaux qui échappent à nos institutions. L’action de la police nationale, malgré le dévouement et la compétence de l’écrasante majorité de son personnel, s’en trouve affaiblie.

Les forces de sécurité sont émiettées entre polices nationale, municipales et privées. Cet éclatement coûte cher ! Sait-on que la France est un des pays qui investissent le plus dans la sécurité par habitant ? Cependant les inégalités de territoires face à l’insécurité progressent.

Face à la violence, les villes et leurs administrés ne sont pas égaux. Vous êtes riches, vous avez une police municipale. Si vous êtes pauvres, vous ne pouvez rien, ou si peu. Rétablir l’égalité du droit à la tranquillité publique exige de sortir du cadre archaïque actuel.

La sécurité doit être un des points centraux de l’acte III de la décentralisation, pour laquelle je crois nécessaire de réduire le nombre des régions à 8 ou 10 entités équitablement dotées en moyens.

Ce redéploiement démocratique permettra de fondre en un même corps de police territorialisé la police nationale, la gendarmerie, les CRS, les polices municipales et autres dispositifs privés. Cette police régionale bénéficiera de la concentration de l’ensemble des ressources financières actuelles. Un échelon métropolitain sera mis en place pour répondre aux spécificités des mégapoles.

Ainsi, dans la ruralité ou l’urbanité, nous retrouverons de nouveaux rapports police/population et une plus forte implication policière, plus dense, plus adaptée, mieux informée et mieux valorisée. Au côté de cette police régionale qui assurera la sécurité publique, la police d’investigation (PJ, stup’, etc.) continuera de se structurer nationalement et de se déployer au niveau européen. Comment, en effet, répondre à la lutte contre les trafics, les mafias… sans organiser les actions d’investigation en Europe ?

Pour diriger cette police territoriale, une « Haute Autorité régionale de la sécurité publique » sera instituée. Elle sera composée d’un collège d’élus locaux et d’un collège de policiers, dont un commissaire régional ; au total, pas plus d’une dizaine de personnes par région. Elle aura la responsabilité d’impulser et de contrôler l’action publique et privée en matière de sécurité.

Les forces de police elles-mêmes seront placées sous la responsabilité directe d’un « commissaire régional » se substituant au préfet d’État et comptable de sa charge devant ladite autorité. Les forces de l’ordre et leur hiérarchie, plus étroitement en lien avec le vécu des habitants, seront ainsi associées démocratiquement aux pouvoirs locaux.

Aux grands maux, les grands remèdes… Une nouvelle police doit être inventée.