Réunion de travail du groupe d’étude sur les prisons
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Réunion du mardi 25 mars 2008
Compte-rendu

Noël Mamère a participé le 25 mars à la réunion de travail du groupe d’étude sur les prisons. Lors de cette réunion, le groupe a auditionné Monsieur Claude d’Harcourt, directeur de l’Administration pénitentiaire.
L’audition de Monsieur Claude d’Harcourt a été l’occasion pour Noël Mamère d’interpeller l’administration quant à ses projets en matière de réforme pénitentiaire.

RÉUNION DU MARDI 25 MARS 2008 -9h30

Présents :

  • M. Serge BLISKO, Président du groupe d’études
  • Mme Laurence DUMONT
  • M. Noël MAMÈRE
  • M. Dominique RAIMBOURG
  • M. François ROCHEBLOINE

Représentés :

  • Mme Catherine LEMORTON
  • M. Jean-Frédéric POISSON

Excusés :

  • M. René COUANAU
  • M. Sauveur GANDOLFI-SCHEIT
  • M. Philippe GOUJON
  • M. Olivier JARDÉ
  • Mme Marie-Françoise PÉROL-DUMONT
  • M. Philippe TOURTELIER

M. Serge BLISKO, Président, remercie M. Claude d’HARCOURT, directeur de l’Administration pénitentiaire, d’avoir répondu favorablement à l’invitation du groupe d’études sur les conditions carcérales et les prisons et d’être présent pour s’exprimer devant ses membres.

M. Claude d’HARCOURT remercie M. Serge BLISKO de l’avoir invité à s’exprimer devant les membres du groupe d’études et indique qu’il présentera brièvement la situation actuelle et les perspectives de l’Administration pénitentiaire (AP), en se concentrant sur les trois objectifs vers lesquels doit tendre la prison : être une prison républicaine, être une prison intégrée dans la société, être une prison implantée dans les territoires.

La prison doit devenir de plus en plus républicaine. D’ores et déjà, la règle de droit s’est emparée de nombreux pans de la vie des établissements pénitentiaires : l’avocat a fait son entrée dans les commissions de discipline, les actes faisant grief sont désormais motivés, le champ des mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours s’est considérablement réduit. Pour poursuivre dans cette voie de la prison républicaine, un point clé qui sera tranché par la future loi pénitentiaire résidera dans la réduction de la durée maximale du placement au quartier disciplinaire.

Le respect des principes républicains en prison impose également de lutter contre la surpopulation, non en prévoyant un numerus clausus, mais en recherchant une meilleure coordination entre l’autorité judiciaire et l’AP pour éviter l’emprisonnement lorsque d’autres modalités d’exécution des sanctions peuvent être retenues.

La protection absolue que l’AP doit aux détenus et à ses personnels est également une condition essentielle du respect des principes républicains en prison. M. d’HARCOURT indique qu’en 2007 les violences entre détenus, les suicides et les violences à l’égard des personnels ont diminué, ce qui révèle que l’AP est sur la bonne voie en matière de prévention des violences et du suicide.

Enfin, M. d’HARCOURT déplore que l’AP soit la seule force de sécurité de notre pays à ne pas posséder de code de déontologie, indispensable pour promouvoir une prison républicaine. Si la professionnalisation croissante des agents de l’AP, l’amélioration de leur niveau de formation et la diffusion d’une « charte éthique » ont permis d’améliorer les pratiques professionnelles, il n’en demeure pas moins nécessaire que la loi pénitentiaire prévoie la mise en place d’un code de déontologie.

En deuxième lieu, M. d’HARCOURT indique que la prison se doit d’être intégrée dans la société, dont elle ne peut être isolée. Pour cette raison, un contrôle externe, notamment des parlementaires par le biais de l’exercice de leur droit de visite ainsi que par le contrôle budgétaire, est absolument nécessaire. Le contrôle par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont la nomination doit être soigneusement réfléchie compte tenu de l’importance de la fonction, sera lui aussi un progrès.

Pour que la prison soit intégrée dans la société, M. d’HARCOURT estime également que les aménagements de peine doivent être encore développés. Il se réjouit que le nombre de personnes placées sous les régimes de la surveillance électronique, de la semi-liberté et du placement extérieur soit passé en un an, de mars 2007 à mars 2008, de 4 200 à 5 400. Il se dit également persuadé que les conférences régionales des aménagements de peine, créées en 2007 à l’initiative de Mme la garde des Sceaux Rachida DATI, permettront grâce à leur travail de plus en plus rationnel de développer davantage encore ces aménagements.

Il indique que la mise en place de l’accès au téléphone pour les personnes condamnées détenues en maison d’arrêt contribuera également à favoriser l’intégration des personnes détenues dans la société. Enfin, il souligne que la mise en place des programmes de prévention de la récidive (PPR) permettra d’améliorer l’efficacité du travail des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) grâce à une approche complémentaire de celle des autorités sanitaires.

En dernier lieu, M. d’HARCOURT considère que la prison doit, comme c’est le cas aujourd’hui en France et à la différence de pays comme l’Espagne ou les États-unis, rester implantée dans les territoires, notamment pour favoriser le maintien des liens familiaux. Pour que cette implantation dans les territoires soit effective, une mobilisation de l’ensemble des acteurs locaux (élus locaux, milieu associatif, forces de sécurité, partenaires institutionnels…) est nécessaire. L’implantation locale des établissements est également une condition de l’amélioration de l’offre de travail et de formation professionnelle en détention, M. d’HARCOURT estimant souhaitable que soit expérimentée la prise en charge par les régions, conformément à la répartition des compétences issue de la décentralisation, de la formation professionnelle des personnes détenues.

M. BLISKO remercie M. d’HARCOURT pour cette présentation très complète et détaillée de la situation actuelle de l’AP. Après s’être réjoui de la baisse de la proportion des prévenus parmi la population pénale, il souhaite connaître le sentiment du directeur de l’AP sur le malaise récurrent des SPIP, sur les réponses apportées aux problèmes de santé mentale, ainsi que sur la question de l’avenir de l’hôpital national de Fresnes et du Centre national d’orientation (CNO).

Sur la question du malaise des SPIP, M. d’HARCOURT indique que la situation s’est beaucoup améliorée au cours des dernières années : les recrutements ont été massifs, un référentiel des missions des SPIP vient d’être adopté, et l’organisation administrative des SPIP, dont il tient à rappeler qu’ils n’existent que depuis 1999, est en cours de réforme. La question de la santé mentale lui paraît être une question cruciale, en raison des problèmes que posent en détention des détenus atteints de troubles lourds et dont la place n’est sans doute pas en prison. Il estime en outre nécessaire que la psychiatrie s’interroge sur ses méthodes de traitement. Concernant l’hôpital de Fresnes, il indique que celui-ci sera fermé en 2011 lorsque les unités hospitalières sécurisées inter-régionales (UHSI) destinées à le remplacer auront ouvert. Enfin, sur la question de l’avenir du CNO, il considère qu’une réflexion sur ses missions et sur ses méthodes devra être engagée, conjointement avec le ministère de la santé.

M. François ROCHEBLOINE s’interroge quant à lui sur la question de la situation géographique des centres de semi-liberté, parfois trop éloignés des centres ville et mal desservis par les transports publics, ainsi que sur les mesures de prévention prises pour prévenir l’usage de stupéfiants en prison.

M. d’HARCOURT fait savoir qu’il partage le sentiment de M. ROCHEBLOINE sur la localisation des centres de semi-liberté, qui doivent de préférence se trouver dans les centres des villes. Il indique à ce propos qu’il a renoncé à ouvrir un quartier de semi-liberté à la nouvelle maison d’arrêt de Poitiers, celle-ci étant trop excentrée. Un programme de construction de 200 places est en cours mais ne permet pas tout à fait de rattraper le retard des années précédentes. Sur la question de la drogue, il indique que des programmes de substitution sont mis en place pour les détenus toxicomanes, et que la drogue pose essentiellement des problèmes en raison du racket et du trafic qu’elle engendre.

M. Noël MAMÈRE indique qu’il regrette que la loi pénitentiaire ne soit pas l’occasion d’une remise à plat complète du système pénitentiaire français, notamment sur la question de l’existence même du quartier disciplinaire ou sur l’indépendance de l’autorité chargée du contrôle des mesures faisant grief. Il déplore également l’insuffisance des moyens prévus pour permettre au contrôleur général des lieux de privation de liberté d’exercer sa mission quand il aura été nommé. Il estime que devrait également être réglée la question de la durée excessive des détentions provisoires en matière criminelle. Sur la question du respect par la prison des principes républicains, il considère que les parloirs tels qu’ils existent aujourd’hui ainsi que l’usage fait du régime de l’isolement ne respectent pas ces principes. Il s’étonne que le Comité d’orientation restreint (COR) sur la loi pénitentiaire soit resté muet sur la création de lieux de rétention post-pénaux, sur les atteintes au secret médical ou sur la remise en cause des remises de peine. Enfin, il indique qu’il trouve pour le moins surprenante la proposition du COR de faire procéder à un état des lieux des cellules à l’entrée et à la sortie des détenus, lorsque l’on connaît l’état des cellules dans un certain nombre d’établissements.

M. d’HARCOURT indique au préalable que l’histoire de la prison française est liée à l’histoire du pays et qu’elle en porte la marque. Il regrette que trop peu de parlementaires (170 en 2007) exercent leur droit de visite des établissements pénitentiaires, ce qui leur permettrait de constater les progrès accomplis au cours des dernières années. Il déplore également que l’AP fasse encore trop fréquemment l’objet de suspicion, qui ne permet pas la réforme dans des conditions sereines, alors que depuis plusieurs années les efforts de recrutement et de formation des personnels ont été d’une ampleur sans précédent. Sur la question du placement en quartier disciplinaire, s’il estime que les durées actuelles de placement sont sans doute trop longues, il ne pense pas possible de le supprimer entièrement compte tenu des difficultés de la vie en détention et du rôle dissuasif joué par cette sanction disciplinaire. Enfin, il considère les propositions formulées par le COR, composé de 50 personnes de tous horizons, comme très riches.

M. Dominique RAIMBOURG indique à titre de remarque liminaire qu’il s’étonne du décalage entre la volonté de réforme de la direction de l’AP et les propos tenus par Mme la ministre de la justice sur la question pénitentiaire. Il souhaite savoir si M. d’HARCOURT estime possible de mettre fin à la surpopulation carcérale sans créer de numerus clausus et s’il estime possible de définir le nombre de places de détention dont notre pays devrait pouvoir disposer. Il l’interroge également sur les moyens de développer la libération conditionnelle, qui n’a concerné que 5 500 détenus en 2007, ainsi que sur la question de l’accès au téléphone pour les prévenus. Enfin il souhaite savoir si l’homicide récemment commis par un détenu sur la personne d’un codétenu à la maison d’arrêt de Valence peut être considéré comme étant en lien avec la situation de surpopulation.

M. d’HARCOURT n’estime pas possible d’établir un numerus clausus des places de détention. Il déplore que la France ait trop longtemps différé la construction d’établissements pénitentiaires, ce qui explique la situation actuelle d’un grand nombre d’établissements devant être remplacés par des établissements neufs dont la construction est nécessairement longue et coûteuse. Il souligne également que le taux français de personnes détenues par rapport à la population totale, actuellement d’environ 1 pour 1000, est légèrement inférieur à la moyenne européenne. Il estime cependant que le règlement du problème de surpopulation passera par une meilleure coordination de l’autorité judiciaire et de l’AP sur l’exécution des sanctions ainsi que par un développement du placement sous surveillance électronique. Sur la question de la libération conditionnelle, il indique qu’elle n’est pas la seule modalité de sortie de prison assortie d’un suivi, et que la question des aménagements de peine doit être envisagée globalement. Il estime que la mise en place d’un système de libération conditionnelle automatique à mi-peine ou à deux tiers de peine tel que le pratiquent certains pays ne correspond pour l’heure pas à l’approche française de la dangerosité et qu’elle supposerait au préalable une généralisation des programmes de prévention de la récidive. Sur la question de l’accès au téléphone pour les prévenus, il précise que l’autorisation ne pourrait dans tous les cas que dépendre du juge d’instruction et pas de l’AP. Enfin, concernant l’homicide commis à Valence, il indique que la surpopulation carcérale peut sans doute être considérée comme un facteur d’aggravation des risques de violences entre codétenus.

Mme Laurence DUMONT souhaite connaître la position du directeur de l’AP sur la question de l’accès à l’informatique et à Internet dans les établissements pénitentiaires, nécessaire pour la formation professionnelle de certains détenus.

M. d’HARCOURT indique qu’il n’existe pas pour l’heure de texte normatif sur l’utilisation de l’informatique en prison. Si tous les détenus en maison centrale peuvent disposer d’un ordinateur, il n’estime pas possible pour des raisons de sécurité de permettre un accès général à Internet. Il indique toutefois qu’une expérimentation est actuellement en cours à Bordeaux pour permettre aux détenus d’accéder à une partie du réseau Internet dans le cadre d’une formation professionnelle, avec un système de pare-feu.

M. Serge BLISKO remercie M. d’HARCOURT et les membres du groupe d’études présents et indique que la prochaine réunion, qui aura lieu le mardi 6 mai, à 9 heures 30, sera consacrée à l’audition de M. Michel WICQUART, directeur du service de l’emploi pénitentiaire.


P.S. :
(La séance est levée à 11 heures.)