Inscription du préjudice écologique dans la loi : une urgence sous-estimée
Partager

Le groupe de travail composé de juristes, experts et chercheurs spécialistes du droit de l’environnement, et présidé par Yves Jégouzo, vient de remettre à la Garde des Sceaux son rapport sur le préjudice écologique. Ce groupe de travail avait été mis en place après la décision de la Cour de Cassation du 25 septembre dernier, qui reconnaissait le préjudice écologique causé par la catastrophe de l’Erika et exigeait le versement d’indemnités substantielles.

Les conclusions du groupe de travail confirment l’urgence de l’inscription du préjudice écologique dans le Code civil. Il s’agit là d’une étape indispensable à une véritable sécurité juridique concernant les dommages environnementaux, ainsi qu’à la réparation de l’environnement par les acteurs.

Les conclusions sont toutefois encore timides. La définition proposée, celle d’un préjudice « résultant d’une atteinte anormale aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » est en effet faible juridiquement et politiquement. La proposition du sénateur Rétailleau, adoptée en mai dernier par la Haute Chambre, était plus ambitieuse. Car qu’est-ce donc qu’une atteinte normale aux éléments et fonctions des écosystèmes ? Il s’agit d’élargir le préjudice écologique à l’ensemble des dommages causés à l’environnement.

Par ailleurs, l’action en réparation pourra être menée par le parquet, l’Etat et ses établissements spécialisés, les associations de protection de l’environnement ainsi que les collectivités territoriales. Les actions de groupe en matière de santé-environnement sont d’ors et déjà dans le débat public ; elles devront nécessairement être intégrées à un tel projet de loi.

La création d’une Haute autorité de l’environnement garante de son respect est quant à elle une proposition essentielle dans un contexte de simplification des normes et notamment des normes environnementales.

La consécration d’une réparation en nature, traduite par une obligation de remise en l’état, est, elle aussi un élément positif.

Enfin, le groupe de travail propose la mise en place d’un système d’amendes lourdes en cas de commission intentionnelle d’atteintes à l’environnement. Ces amendes pourront aller jusqu’à deux millions d’euros ou dix fois le gain réalisé par l’auteur de l’infraction ; sommes qui pourraient alors être gérées par un fond de réparation environnemental.

Le groupe de travail a fait le choix de la protection de l’environnement face aux pollueurs, alors que les lobbies exercent une pression forte. Ce choix doit être salué et devra être suivi d’effets.

Il reste encore à travailler afin d’instaurer une responsabilité sociale et environnementale contraignante pour les entreprises agissant sur notre territoire comme pour les entreprises françaises exerçant à l’étranger.

Sergio Coronado