Proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
Intervention de Jean Vincent Placé
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
Enfin ! Enfin, on prend conscience du danger que représentent les armes dans notre société.
Les écologistes, fidèles à une tradition philosophique pacifiste, dénoncent depuis longtemps les conséquences tragiques d’une législation permissive. En la matière, comme dans d’autres domaines, il faut hélas attendre le drame, comme à Marseille, pour que les élus prennent leurs responsabilités. Dans l’Essonne, aussi, très récemment, deux véhicules ont été la cible de tirs à l’arme automatique. Un jeune homme d’une vingtaine d’années a été blessé par balle à la main, suite à une bagarre à Crosne. Sur les lieux de la fusillade, on a retrouvé des douilles de 9 millimètres ainsi qu’une grenade offensive non dégoupillée. C’est incroyable… Et pourtant, ça se passe dans nos quartiers. Voici la société dans laquelle nous vivons, et c’est tout simplement inacceptable.
Pour avoir amorcé cette prise de conscience, je salue le travail des députés MM. Bodin et Leroux, pour leur excellent rapport sur les violences par armes à feu et l’état de la législation.
Cependant, m’étant penché sur le sujet, je constate que les informations récentes et les statistiques sur ce sujet sont rares.
Le peu qu’on sache est pour le moins alarmant. En 2008, on comptait plus de 3 millions d’armes. Elles appartiennent essentiellement à des chasseurs ou des tireurs sportifs.
Armes déclarées, soumises à autorisation, illégales… Il est presque impossible de comptabiliser réellement les armes présentes sur le territoire. Les estimations sont bien plus élevées que les chiffres officiels. Le syndicat des armuriers, estime pour sa part que 10 millions d’armes sont en circulation en France.
Une enquête place même la France au 2e rang des pays les plus armés de l’Union Européenne 1
Objet d’une discussion particulièrement constructive entre les deux Chambres, la proposition de loi a abouti à un texte positif, actant la nécessité d’agir pour renforcer la sécurité publique.
Je pense notamment à quelques mesures satisfaisantes comme :
– le renforcement des dispositifs pour lutter contre le trafic d’armes,
– l’alourdissement des sanctions pénales,
– ou l’impossibilité d’acquisition et de détention d’une arme à feu pour une personne qui a été condamnée pour une infraction dénotant un comportement violent.
Néanmoins, les écologistes estiment que ce texte ne va pas assez loin. Vous allez sourire. Vous allez même me traiter d’idéaliste, ça me va ! Mais je vous le dis : Nous prônons une société non-violente et pacifiste, dans laquelle les armes n’ont pas leur place… du tout ! Il ne me parait pas scandaleux d’affirmer que les particuliers ne devraient pas disposer d’armes à feu chez eux. C’est une question de bon sens et de sécurité préventive. Je comprends les revendications des chasseurs, des collectionneurs et des sportifs. Et je respecte leur passion. Mais nous parlons ici de vies humaines.
L’Office national de la chasse et de la faune sauvage a recensé pour la saison 2010/2011, 131 accidents de chasse dont 18 mortels. 4 enfants accompagnant les chasseurs ont été victimes de ces accidents, souvent leurs propres enfants d’ailleurs. Des milliers d’usagers pacifiques de la nature : les promeneurs, les cyclistes, les randonneurs, les joggeurs …ne vont plus en forêt l’automne et l’hiver de peur d’être victimes d’une balle perdue. Maladresse, homicide involontaire, coup de folie, règlement de compte : tous les jours, ou presque, de tels drames se produisent. Le risque zéro n’existe pas.
C’est pourquoi les écologistes estiment qu’aucune exception ne devrait avoir lieu. La prohibition des armes à feu n’est pas si utopique. Elle est déjà appliquée dans certains pays :
– Le Danemark et les Pays-Bas ont décidé une interdiction générale,
– Au Japon, La réglementation est tellement stricte qu’il est pour ainsi dire impossible d’avoir une arme à feu chez soi et encore moins une arme de guerre dans un but de collection, y compris les armes neutralisées.
– La loi anglaise prévoit l’interdiction de presque toutes les armes à feu. La police, elle-même, ne porte pas d’armes à feu, sauf dans des circonstances spéciales.
Les études internationales démontrent, ce qui apparaît comme une évidence : plus le pourcentage de ménages possédant une arme à feu est réduit, plus le taux de décès par armes à feu est faible, voire quasi-inexistant 2.
Pour conclure, permettez-moi de citer le philosophe français Jean-François Ricard, dit Revel, « Si l’individu ne devient pas pacifique, une société qui est la somme de ces individus ne le deviendra jamais ». Les écologistes défendent un modèle pacifiste respectueux de la dignité humaine et de l’environnement.
Ainsi, considérant que ce texte ne correspond pas à la vision de la société désarmée que nous défendons, bien qu’il constitue une avancée comparée au droit actuel, les écologistes décident de s’abstenir.
1 (Small Arms Survey, une enquête sur les armes de poing dans le monde menée par l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève)
2 Étude internationale sur la réglementation des armes à feu. Publication des Nations Unies, New York, 1998.
3 réflexions au sujet de “Proposition de loi relative à l’établissement d’un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif”
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Bonsoir.
J’ai lu avec intérêt ce texte mais quelques interrogations n’ont pas manqué de me saisir.
– L’usage du mot « pacifiste » et non « pacifique ». « On ne doit jamais laisser se produire un désordre pour éviter une guerre ; car on ne l’évite jamais, on la retarde à son désavantage. » Mavchiavel Dois-je considérer que vous vous inscrivez dans la lignée de ceux qui se réjouissaient des 29 et 30 septembre 1938, alors que le pire était encore évitable ?
– Vous évoquez les risques liés à l’usage récréatif des armes à feu pour en justifier la prohibition. Qu’est-ce qui empêche d’étendre le raisonnement à toute activité à risque, comme l’organisation d’un festival qui s’accompagne souvent de multiples urgences médicales dues à la consommation de produits dangereux, de mouvements de foule … ?
– Vous proposez de modifier l’usage de la force via un outil (les armes à feu ne sont pas un moyen et encore moins une fin). Que comptez-vous proposer comme modification du cadre juridique (CP 125-1 …) pour garantir la possibilité de s’opposer légalement à une atteinte injustifiée, y-compris celles aux conséquences irréversibles, agression avec séquelle (psycho ou physio) permanente … (pour les professionnels, Force Publique et sécurité privée et les particuliers) ?
– Pourquoi ne précisez-vous pas, la part de tireurs sportifs (et donc de personnes ayant délibérément accepté le risque d’un accident) dans les accidentés ?
– A t-on des données qui montreraient un accroissement de la criminalité du à la possession légale d’armes à feu ?
L’amalgame sur la guerre de 39 ne grandit jamais une argumentation.
Pour autant, vous conviendrez que l’usage d’une arme à feu n’est pas une activité anodine. Contrairement à d’autres activités à risque, les risques portent sur les tiers.
Concernant la possession d’armes à feu, il y a une corrélation avec le nombre de meurtres, le taux de suicide par armes et le nombre d’accidents.
Bonjour.
« L’amalgame sur la guerre de 39 ne grandit jamais une argumentation. »
Je ne crois pas avoir atteint le point godwin.
Je ne fais aucun amalgame, je demande simplement si le mot « pacifiste » est à relier à un courant politique qui a négligé une réalité fondamentale, l’espèce humaine est naturellement encline à la violence gratuite, de préférence sur ceux et celles qui sont peu susceptibles de se défendre efficacement, raison de l’existence de la Force Publique, qui hélas n’a pas un don d’ubiquité. Il ne tient qu’à vous d’indiquer que l’on doit comprendre une volonté d’aboutir à une société apaisée (objectif louable) tout en tenant compte de l’état d’esprit actuel.
« Pour autant, vous conviendrez que l’usage d’une arme à feu n’est pas une activité anodine. »
Certes, mais vous conviendrez tout autant qu’une arme n’a pas de volonté ou de dangerosité propre, contrairement à un animal dont les réactions ne dépendent que partiellement de son maître. Devrait-on également interdire la possession de manches de pioche, y-compris pour ceux qui font des travaux de terrassement ?
« Contrairement à d’autres activités à risque, les risques portent sur les tiers. »
Un randonneur en haute montagne peut déclencher une avalanche susceptible d’emporter des personnes en contrebas, un promeneur en forêt peut initier involontairement un incendie dévastateur.
« Concernant la possession d’armes à feu, il y a une corrélation avec le nombre de meurtres, le taux de suicide par armes et le nombre d’accidents. »
Auriez-vous l’obligeance de me fournir un lien qui montre que la possession d’armes à feu entraîne une hausse des meurtres (et non l’inverse) que les suicides par arme à feu n’occasionneraient pas en contrepartie une baisse des suicides par d’autres moyens ?
Cordialement