Question au gouvernement sur « Tarnac »
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La vidéo de la question

M. Sergio Coronado. Après plus de six ans d’instruction, madame la garde des Sceaux, le procès de Tarnac approche. Dans les réquisitions transmises à la presse, le parquet requiert le renvoi des trois militants en correctionnelle pour terrorisme, sans étayer cette inculpation d’une extrême gravité.

Il apparaît de plus en plus clairement, pour reprendre les mots de François Hollande en 2009, que la qualification de terrorisme a été utilisée bien imprudemment et que la procédure a été engagée bien précipitamment. On accuse ces trois individus d’avoir participé à des manifestations, à des réunions même, en Europe et aux États-Unis. On les accuse d’avoir organisé une communauté dans un village de Corrèze.

Présents dans les fêtes, appréciés par la population, militants au grand jour, ces jeunes ont repris pour les uns une ferme, pour d’autres l’épicerie de Tarnac.

Le parquet accuse ces trois individus d’avoir lu et diffusé un ouvrage, et de s’en être inspirés. Ce livre, que je tiens à la main, que j’ai acheté et que j’ai lu comme 60 000 de nos concitoyens, est connu sous le titre de L’insurrection qui vient. (« Il n’a pas le droit de faire cela ! » sur les bancs du groupe UMP.) En somme, madame la garde des Sceaux, c’est un livre qui nourrit les réquisitions du parquet.

François Hollande l’avait dit avec clarté et force ; l’affaire dite de Tarnac est politique. Comment la ministre de l’intérieur de l’époque a-t-elle pu déclencher avec le concours du parquet une procédure qui ressemble encore aujourd’hui à une farce ?

L’affaire est même une conséquence de la politique gouvernementale d’alors. Le 13 juin 2008, une circulaire de Mme Rachida Dati ordonnait aux parquets de se dessaisir des dossiers impliquant les « anarcho-autonomes » en faveur de la section antiterroriste du parquet de Paris. Cette circulaire s’inscrivait dans le droit fil des efforts déployés par Mme Alliot-Marie visant à ressusciter le spectre des années de plomb.

Le gouvernement a changé, mais cette circulaire est toujours en vigueur.

Pouvez-vous, madame la ministre, informer la représentation nationale en indiquant le sort que vous réservez à cette circulaire ? Notre pays doit affronter des menaces terroristes réelles ; il apparaît bien irresponsable de s’inventer des terroristes qui n’en sont pas.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Coronado, vous comprendrez sans difficulté que je ne porte strictement aucune appréciation sur une procédure en cours. Je vous répondrai donc de façon générale : il est hors de question de criminaliser des positionnements politiques. L’appartenance à une mouvance anarchiste ou autonomiste, par exemple, relève d’une liberté et ne peut être criminalisée dans la mesure où ce positionnement respecte la loi.

La circulaire que vous évoquez invite tous les parquets à se concerter pour se répartir les procédures. Je vous précise que si des voies de fait sont commises, démontrées et établies, elles relèvent du droit commun, car la République ne recourt pas à des qualifications terroristes pour réprimer des contestations sociales.

L’acte terroriste est très clairement défini dans le code pénal, dont l’article 421-1 précise bien qu’il a pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur. Il va de soi que les contestations sociales n’en sont pas.

La société française retrouve du goût pour Voltaire : nous savons bien que même les points de vue dérangeants ont droit de cité tant qu’ils sont exprimés dans le cadre du droit.

Si des actes font l’objet de procédures, les magistrats doivent juger et, surtout, doivent pouvoir juger en droit. C’est ce qu’a voulu ce Gouvernement, et c’est pourquoi il vous a présenté la loi du 25 juillet 2013, que vous avez adoptée et qui interdit toute instruction individuelle. C’est dans cet esprit que nous voulons parachever l’indépendance du parquet et le statut de la magistrature par la réforme constitutionnelle qui permettrait effectivement cette indépendance.

Vous savez qu’il nous faut recueillir les trois cinquièmes des voix du Parlement et que l’opposition s’y oppose avec opiniâtreté, mais nous continuerons à œuvrer en faveur de l’indépendance de la magistrature !