La demande de « référé libertés fondamentales »
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Lorsque l’urgence est telle qu’une décision doive être prise sous 48 heures, la demande en référé « libertés fondamentales » prévue à l’article L. 521-2 du code de justice administrative permet à quiconque estime qu’une personne morale de droit public porte irrégulièrement une « atteinte grave et manifestement illégale » à l’une de ses libertés fondamentales, de solliciter du juge administratif qu’il mette fin sans délais à ces irrégularités par toute mesure appropriée [à souligner que traditionnellement, en application de la théorie de la « voie de fait », le juge judiciaire peut également statuer dans le cas « d’irrégularité grossière » : classement d’une voie privée dans le domaine public communal alors que n’a pas été engagée la procédure d’expropriation [Cass. 1ère civ. 25 janvier 2005 ; concernant la confiscation d’un passeport par les services de police : « Il y a voie de fait lorsque l’administration soit a procédé à l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières d’une décision même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l’un ou l’autre de ces effets si cette décision est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative. » Tribunal des Conflits 19 novembre 2001, Mohamed/Ministre de l’Intérieur ]] .

Un exemple de ce recours est celui d’élus de l’équipe municipale dont les courriers étaient ouverts et lus par le service du courrier de la Mairie conformément à une note de service du Maire, s’y croyant autorisé, ce que le Juge administratif n’a pas admis, comme portant atteinte à la « liberté d’exercice du mandat d’élu », et au « secret des correspondances »
[1].

Le référé libertés fondamentales a été également admis dans le cas d’un refus de mise à disposition d’une salle de réunion pour un parti politique [C.E. 19 août 2002, Institut de FORmation des Elus Locaux]], dans celui d’une atteinte à l’accès à d’élus à la [Tribune d’expression des élus minoritaires par décision du Tribunal Administratif de Besançon [Ordonnance de référé No 03-0218 du 21 février 2003; toutefois, rejet motif pris de ce que l’urgence à modifier le règlement intérieur du Conseil Municipal n’est pas ici justifiée : [C.E. Référé, 28 février 2003, Commune de Pertuis ]].

Le principe du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion est une liberté fondamentale, et le juge apprécie si la situation soumise doit être regardée comme révélant ou non «une atteinte manifestement illégale» à cette liberté : Cons. d’Etat (Ord. réf.), 24 février 2001 TIBERI

Le juge des référés libertés a pu également être saisi pour adresser une injonction à une commission électorale d’avoir à distribuer les bulletins et circulaires d’un candidat dans le cadre d’une élection cantonale : T.A. Nice, 6 mars 2001

On peut citer également le recours des sages femmes grévistes d’une clinique, lesquelles avaient demandé la suspension en urgence d’un arrêté de réquisition du Préfet exigeant de leur part, non pas d’assurer un « service mininum », mais un service complet, ce qui portait donc atteinte à « la liberté fondamentale que constitue le droit de grève » [2].

En application des dispositions expresses de l’article L. 521-2 du code de justice administrative , le Juge des référés statue ici dans les 48 heures [ce référé libertés fondamentales sous 48 heures ne doit pas être confondu avec le « référé suspension » de l’article [L. 521-1 du code de justice administrative dont la procédure est moins rapide, mais dont le champ d’application est plus large puisqu’il n’impose pas de justifier d’une urgence à 48 heures et qu’il est admissible dès lors qu’il est justifié d’un recours comportant un « moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Lorsqu’il n’est pas clairement nécessaire que la décision soit prise effectivement sous 48 heures, il est donc manifestement plus judicieux de recourir au « référé-suspension » pour optimiser les chances de succès du recours : rejetant ainsi, faute de justifier de l’urgence « 48 heures », la demande de référé liberté sur un refus de création d’un groupe d’élus : C.E. 16 juin 2003, ville de Strasbourg ]]




Guy Pécheu
(gpecheu@online.fr)






ANNEXE 1 : LETTRE-TYPE DE RECOURS EN REFERE « LIBERTES FONDAMENTALES »

La demande en référé libertés fondamentales peut schématiquement se présenter sous une forme de ce type :

Monsieur ou Madame le Président du Tribunal,

Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public (.) aurait porté, dans l’exercice de l’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale (.) ; selon le deuxième alinéa de l’article R. 522-13 de ce code, le juge des référés peut prévoir que sa décision sera exécutoire aussitôt qu’elle aura été rendue.
Ma liberté fondamentale de .. a subi une atteinte grave et manifestement illégale dans les conditions suivantes :
(.. préciser les faits détaillés, les motifs de la demande, la liste des pièces jointes, etc ..)
Je vous demande par la présente de d’ordonner sous 48 heures les mesures suivantes nécessaires à la sauvegarde de cette liberté (..).
En effet, …etc.. »


Notes

[1] C.E. 9 avril 2004, Ville de Drancy

[2] C.E. 9 décembre 2003, JCP A 2004; 1054 note Moreau