La vie politique est malheureusement émaillée parfois de quelques dérives, et un débat houleux qui génère peut parfois amener une victime d’injures à demander aux auteurs des propos incriminés, la réparation de son préjudice devant les Tribunaux [sur la diffamation non publique, voir notre [fiche pratique No 200; sur la procédure de conciliation en matière civile, voir notre fiche pratique No 14 ; sur le droit de réponse en presse écrite, voir notre fiche pratique No 73 sur les droits spéfiques en matière d’internet, voir notre fiche pratique No 96 ]] .
L’injure est définie par l’article 29 de la loi du 28 juillet 1881 sur la presse comme « toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait », et elle la distingue donc clairement de la diffamation , en ce que l’injure ne comporte pas une articulation précise de faits matériels susceptibles d’une preuve [ « (..) les termes de «nazis» ou de «nazillon» utilisés par l’auteur constituent, dans le cas d’espèce, des injures. Pour constituer une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d’une articulation précise des faits de nature à être sans difficulté l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire » [Cass. crim. 29 janvier 1998 ;« (..) s’il est vrai que prise isolément l’expression de « fieffé menteur » pourrait constituer une injure, il en est autrement lorsqu’elle est indissociable d’un ensemble d’allégations qu’elle introduit et dont il résulte qu’elle comporte l’allégation d’un fait déterminé(..) » : cass. crim. 2 juin 1980 79-90178 ; sur la diffamation non publique, voir notre fiche pratique No 200 ]] .
Est considérée comme non-publique une injure proférée dans le cadre d’un groupe de personnes liées par une communauté d’intérêts [ [Cass. crim. 27 mai 1999 . L’injure publique constitue quant à elle, une infraction correctionnelle prévue à l’article 33 alinéa 2 de la Loi sur la presse ]]
En outre, l’article R 624-4 du code pénal dispose que « l’injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe [soit 750 €uros : voir [article L 131-13 ]]. Est punie de la même peine l’injure non publique commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ».
L’injure constitue, en application de l’article R 621-2 du code pénal, une contravention de 1ère classe lorsqu’elle est non-publique, passible donc à ce titre d’une amende à 38 €uros[ voir [article L131-13 du même code ]].
Le juge des référés du Tribunal de Grande Instance peut dans certains cas être saisi d’une demande tendant à faire cesser le trouble subi du fait des injures
[pour des affiches publicitaires comportant une « représentation outrageante d’un thème sacré » [C.A. Paris, 8 avril 2005 G…]] .
Pour solliciter une indemnité financière en réparation de son préjudice, la victime des propos injurieux peut au choix [sur la création et le rôle de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) 11-15 rue Saint Georges 75009 Paris Téléphone : 08 1000 5000 : Voir [loi No 2004-1486 du 30 décembre 2004, J.O. du 31 décembre 2004 et décret du 4 mars 2005 J.O. du 6 mars 2005 ; pour solliciter l’Aide Juridictionnelle, les renseignements et le formulaire à remplir sont accessibles sur le serveur du Service Public.fr ]]
:
- saisir le Tribunal d’Instance d’une demande de conciliation (voir fiche pratique No 14)
- exercer une « action civile » dans le cadre d’une citation directe devant le Tribunal de Police, statuant tout à la fois sur une sanction pénale ainsi que sur le préjudice de la victime [dans le cas où l’injure est publique, cette action civile est exercée devant le Tribunal Correctionnel soit par citation directe soit par plainte avec constitution de partie civile adressée au doyen des juges d’instruction]].
- ou encore présenter devant le juge d’Instance statuant en matière civile, une demande civile limitée dès lors à la seule réparation financière du préjudice, indépendamment de toute sanction pénale [[Toutefois, en application de [l’article 46 de la loi sur la presse , la procédure pénale est seule admissible lorsque les propos incriminés ont été tenus contre un élu dans ses fonctions ou en cette qualité. Il existe par ailleurs des exceptions si la personne incriminée est un élu, ou un fonctionnaire. Par ailleurs, en application de l’article <a href="http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006519920&idSectionTA=LEGISCTA000006182356&cidTexte=LEGITEXT000006071164&dateTexte=20080223
« >R 321-8 du code de l’organisation judiciaire le Tribunal d’Instance n’est pas compétent dans le cas d’injures publiques prononcées « par voie de presse« ]].
La victime des injures dispose donc d’une option entre :
- soit demander uniquement une réparation financière devant le tribunal d’instance
- soit demander une condamnation pénale et une réparation financière devant le Tribunal de Police
LA DEMANDE QUI PORTE UNIQUEMENT SUR LA REPARATION FINANCIERE SERA GENERALEMENT CONDUITE DEVANT LE TRIBUNAL D’INSTANCE
Le Tribunal d’Instance est compétent pour toutes les demandes relatives à des faits d’injures lorsque l’indemnisation réclamée est d’un montant inférieur à 10.000 €uros. Il est saisi par la remise au greffe d’une assignation délivrée par voie d’huissier, sauf la possibilité, pour la victime, si sa demande est inférieure à 4.000 €uros, de procéder par voie de « déclaration au greffe ».
Dans cette dernière hypothèse, la demande d’un montant inférieur à 4.000 €uros peut se présenter sous la forme d’une demande écrite adressée ou déposée au greffe du Tribunal d’Instance territorialement compétent dans un délai de trois mois [le délai est porté à un an pour les injures racistes, sexistes ou discriminatoires proférées publiquement : art 65-3 loi sur la presse : « Pour les délits prévus par le huitième alinéa de l’article 24, l’article 24 bis, le deuxième alinéa de l’article 32 et le troisième alinéa de l’article 33, le délai de prescription prévu par l’article 65 est porté à un an. »]].
Cette demande expose sommairement les faits, énonce entre guillemets très exactement les propos injurieux précisément incriminés, comporte élection de domicile dans la ville où siège le Tribunal, et sollicite la convocation de l’auteur des propos injurieux au paiement d’une indemnité dont est précisé exactement le montant en €uros [1].
Le Tribunal convoquera les parties [le Parquet est cité par l’huissier de justice désigné par le demandeur]] à une audience au cours de laquelle elles exposeront leur arguments, non sans avoir préalablement échangé dans les jours précédents l’audience, les preuves et documents qu’elles remettront au juge [2]. La procédure est « orale », ce qui emporte que l’échange des documents, conclusions, argumentaires, mémoires par écrit est tout à fait recommandé mais ne dispense pas de devoir exposer ses arguments et ses demandes verbalement à l’audience devant le Juge, à qui ces documents sont remis au plus tard, le jour de l’audience. Naturellement, avant que de saisir le Juge de la demande en réparation, il semble absolument impératif d’avoir réuni les preuves suffisantes des propos injurieux notamment par témoins (voir annexe 1) lorsqu’il n’y a pas d’écrits probants.
LA DEMANDE QUI PORTE SUR UNE SANCTION PENALE ET SUR LA REPARATION FINANCIERE EST CONDUITE DEVANT LE TRIBUNAL DE POLICE
La victime des injures, toujours lorsqu’elle dispose d’éléments de preuves suffisants des propos ou écrits injurieux, peut saisir le Tribunal de Police afin qu’il soit statué à la fois sur une sanction pénale et sur les dommages et intérêts (voir modèles de citation en annexe 3 et 4).
Le choix de la victime des injures entre la voie pénale ou civile peut s’avérer difficile, étant souligné toutefois que la voie pénale semble être celle qui s’imposerait le plus spontanément et le plus logiquement. Au niveau des frais, elle pourra s’avérer moins coûteuse pour les parties notamment en cas de pourvoi en cassation, l’avocat n’étant pas obligatoire en matière pénale, alors qu’il l’est en matière civile. Elle ouvre également très largement une possibilité d’appel, également à moindre frais puisque l’avoué n’est pas obligatoire en matière pénale, alors qu’il l’est en matière civile.
Au surplus, l’appel est recevable pour la partie civile en matière pénale quel que soit le montant des dommages et intérêts réclamés alors que ce montant doit être supérieur à 4.000 €uros en matière civile, faute de quoi, le jugement n’est plus susceptible que de pourvoi en cassation.
Choisir la voie civile expose donc aux aléas d’un « one shot », alors que la matière est complexe, et que la possibilité d’un appel assure une certaine sécurité juridique à la victime.