Sanctions alternatives à l’emprisonnement et « récidive ».
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– MAI 2005 –
Annie Kensey, DAP PMJ1
Françoise Lombard, Université de Lille 2
Pierre Tournier, CNRS, Université Paris 1

Avec la collaboration de France Line Mary

Recherche financée par la mission de recherche « Droit & Justice » et le Fond interministériel d’intervention pour la politique de la ville.

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– SOMMAIRE –

Introduction

1. – Construction du corpus.

2. – Données de synthèse sur les taux de nouvelles affaires.

3. – Taux comparatifs de nouvelles affaires selon la sanction initiale et l’infraction initiale.

4. – Comparaison avec les données « France entière ».

5. – Taux comparatifs de nouvelles affaires selon la sanction initiale, l’infraction initiale et autres caractéristique des condamnés.

5.1 – Passé judiciaire.
5.2 – Age.
5.3 – Profession déclarée.

6. – Analyse multivariée des taux de nouvelles affaires.

7. – Perspectives.

Bibliographie.

Annexe 1. Bordereaux de collecte des données.

Annexe 2. Variable majeure : nature de la sanction initiale.

Annexe 3. Variable majeure : nature de l’infraction initiale.

Annexe 4. – Taux comparatifs selon la nature de la sanction initiale à structure par infraction initiale constante.

Annexe 5. – Analyse différentielle des taux de nouvelles affaires de niveau 4 (« prison ferme ») selon certaines caractéristiques des personnes condamnées.

5.1. – Passé judiciaire.
5.2 – Age.
5.3 – Profession déclarée.

Annexe 6. – Analyse différentielle des taux de nouvelles affaires de niveau 1 (recondamnation) selon certaines caractéristiques des personnes condamnées.

6.1. – Passé judiciaire.
6.2 – Age.
6.3 – Profession déclarée.

Annexe 7. – Taux comparatifs selon la nature de la sanction initiale à structure constante par infraction initiale et autres caractéristiques des condamnés.

7.1. – Passé judiciaire.
7.2 – Age.
7.3 – Profession déclarée.

Annexe 8. -Analyse multivariée.

8.1 – Taux de nouvelles affaires de niveau 4 (prison ferme).
8.2 – Taux de nouvelles affaires de niveau 1 (recondamnation).


Documents :


– RÉSUMÉ –

Cette recherche s’inscrit dans un long processus d’enquêtes empiriques, réalisées en France, depuis la fin des années 1970, sur « l’application des peines » et la « récidive » (au sens large du terme) par le service des études de la Direction de l’administration pénitentiaire, et ce en coopération avec telle ou telle unité de recherche dépendant du CNRS et/ou de l’Université.

Les innovations méthodologiques sont nombreuses :

  • 1. Comparaison du devenir judiciaire d’une cohorte de sortants de prison à celui de cohortes de condamnés à des peines non carcérales : sursis simple, sursis avec mise à l’épreuve (SME), travail d’intérêt général – peine principale (TIG), sursis avec mise à l’épreuve accompagné d’un travail d’intérêt général (SME-TIG). 5 234 dossiers ont été constitués et étudiés.
  • 2. Construction des échantillons effectuée de telle sorte que l’étude selon la nature de l’infraction sanctionnée puisse être menée sur la plupart des contentieux rencontrés en matière correctionnelle, et ce, en tenant compte des dossiers à infractions multiples : infractions à la législation sur les stupéfiants, vol recel simple, vol recel aggravé, vol avec violence, conduite en état alcoolique, coups et blessures volontaires, agressions sexuelles.
  • 3. Calcul d’une batterie de 5 taux différents de nouvelles affaires dans les 5 ans qui suivent la libération ou le prononcé de la sanction non carcérale. Ces taux sont définis selon le niveau de gravité des nouvelles peines prononcées : du niveau 5 (survenue d’une peine criminelle) au niveau 1 (survenue d’une nouvelle condamnation quelle qu’en soit la nature) en passant par le niveau 4 (survenue d’une condamnation à l’emprisonnement ferme).
  • 4. Choix d’une enquête locale, de terrain (dans le département du Nord). Ce qui a rendu possible de collecter non seulement les informations recueillies dans les documents de greffe pénitentiaire (fiches pénales) et dans les extraits de jugement, mais aussi nombre d’indications sur les modalités juridiques et les conditions pratiques de l’exécution des peines en milieu fermé comme en milieu ouvert (données non encore exploitées dans ce rapport).
  • 5. Prise en compte systématique dans l’analyse, en plus de la nature de sanction initiale en 5 postes et de la nature de l’infraction initiale en 11 postes – ce qui fait en théorie déjà 5×11 = 55 sous-cohortes différentes) des trois variables qui sont apparues, dans les travaux antérieurs, comme les plus discriminantes en ce qui concerne les taux de nouvelles affaires : le passé judiciaire (existence ou non d’une condamnation antérieure), l’âge à la libération ou au moment du prononcé de la condamnation non carcérale (distinction moins de 25 ans, 25 ans et plus) et l’existence d’une profession déclarée (oui-non).

Le lecteur décontenancé par le nombre de tableaux présentés infra aura en tête que l’objectif poursuivi est d’appréhender un ensemble de 55 x 2 x 2 x 2 = 440 situations. Le nombre est certes théorique puisque, évidemment, toutes ces situations ne sont pas présentes en nombre significatif parmi les 5 234 dossiers constitués. Nous avons aussi fait le choix, peu habituel, de fournir au lecteur l’ensemble des données sur lesquelles reposent nos calculs. Comme chacun sait, une approche qui se veut scientifique se doit d’être réfutable.

Difficile et sans doute imprudent de vouloir résumer en quelques nombres un tel corpus, mais c’est aussi une nécessité.

Sur un total de 5 234 dossiers, nous avons trouvé 11 Avec la collaboration de France Line Marydossiers avec une affaire sanctionnée par une peine de réclusion criminelle, ce qui donne un taux de 2 pour 1 000 (taux de niveau 5). Rappelons que tous les condamnés suivis ont été initialement sanctionnés pour un délit (procédure correctionnelle). Le taux est de 4 pour 1 000 pour les sortants de prison et de 2 pour 1 000 pour les condamnés à une peine non privative de liberté.

Le taux de condamnations à l’emprisonnement ferme (taux de niveau 4.) dans les 5 ans est globalement de 31%. Il est maximum pour les sortants de prison soit 61%, dans les 5 ans qui suivent la libération (on peut alors parler de retour en prison). Il est nettement plus faible pour les personnes condamnées à des sanctions non carcérales, dans les 5 ans qui suivent la condamnation initiale : 41 % à la suite d’un SME-TIG, 34 % à la suite d’un TIG peine principale, 32 % à la suite d’un SME, et enfin, 19 % à la suite d’un sursis simple.

Ce que nous appelons le taux de recondamnation (niveau 1.) est, pour l’ensemble, de 49%, dans les 5 ans qui suivent la libération ou le prononcé de la sanction initiale non privative de liberté. La hiérarchie, selon la nature de la sanction initiale, est la même que pour les taux de niveau 4 (prison ferme), mais les écarts sont plus faibles : 72 % pour les sortants de prison, 59 % à la suite d’un SME-TIG, 58 % à la suite d’un TIG peine principale, 52 % à la suite d’un SME, et enfin, 39 % à la suite d’un sursis simple.

Ainsi la règle pourrait paraître simple : plus la sanction est contraignante, plus les taux de nouvelles affaires sont élevés (à condition de considérer que le TIG sans SME est plus contraignant que le SME sans TIG). Mais bien évidemment, le prononcé des peines ne se fait pas de façon aléatoire.

Pour tenir compte des différences de structure socio-démographique et pénale des cohortes définies par la nature de la sanction, nous avons eu recours à la méthode des « structures types ».

Nous donnerons ici l’exemple le plus marquant, celui du calcul de taux comparatifs de nouvelles affaires en raisonnant à structure selon la nature de l’infraction initiale et le passé judiciaire constante.


P.S. :
Avec l’aimable autorisation des auteurs.

Annie Kensey,
Françoise Lombard,
Pierre Tournier.