Il semble difficile, pour les magistrats du parquet, de participer au débat public :
Didier Peyrat, vice-procureur chargé des mineurs à Pontoise, a reçu, jeudi 2 février, un avertissement pour avoir publié deux tribunes dans Libération et Le Monde, à l’occasion des violences urbaines de novembre 2005.
La sanction lui sera notifiée prochainement par le procureur général près la cour d’appel de Versailles, Jean-Amédée Lathoud, haut magistrat qui a supervisé l’affaire d’Outreau lors de son précédent poste, à Douai (Nord), et qui sera bientôt entendu par la commission d’enquête parlementaire sur les responsabilités de la hiérarchie judiciaire dans cette affaire.
Les termes de ces articles de presse « me paraissent contraires aux obligations de réserve et de prudence« , a écrit le procureur général. Les syndicats de magistrats ont été saisis de l’affaire.
Le premier article en cause, intitulé « Banlieues : Mai 68 ou Weimar « , est paru dans Libération, le 8 novembre 2005. « Les événements qui se déroulent dans les banlieues françaises prouvent l’échec radical de la droite dans ses politiques de sécurité depuis avril 2002, y écrivait le magistrat. Mais on aurait tort de ne voir que le bilan piteux de la majorité UMP. (…) Nous savons maintenant que la criminalité est toujours là, tenace. Elle a résisté à vingt années de politique de la ville ; (…) aux démonstrations de virilité télégénique de Nicolas Sarkozy ; comme à l’augmentation des effectifs de police. »
Dans Le Monde du 17 novembre 2005, sous le titre « Incendiaires et cogneurs « , M. Peyrat appelait à faire le tri parmi « les jeunes des banlieues« , contestant l’existence d’un mouvement de masse contre l’injustice sociale. Il ajoutait : « Luttons contre les causes. Bannissons les mots vulgaires, les insultes, la démagogie de M. Sarkozy. Faisons de la prévention. (…) Mais d’abord il faut vaincre le mal, à l’aide de ce bien commun : le droit. »
Le procureur général relève des « critiques visant la politique pénale impulsée par le gouvernement pour lutter contre les violences urbaines« . Mais aussi le fait que « M. Peyrat évoque la « virilité télégénique » et la « démagogie » du ministre de l’intérieur« .
Le magistrat se réfère, lui, à la liberté d’expression, reconnue à tout citoyen par la Constitution et aux magistrats par leur statut. La réserve, souligne M. Peyrat, se comprend comme l’interdiction de mêler des considérations politiques à l’activité dans la sphère professionnelle. Les discours de M. Sarkozy ont, selon lui, « provoqué l’ouverture d’un débat public » et « pouvaient avoir un effet sur le climat dans lequel la justice pouvait faire son travail« . Quant à la politique menée lors des violences urbaines, il affirme qu’elle n’est pas directement en cause. Au contraire, explique-t-il, « j’ai contribué à (sa) mise en oeuvre » : « Les consignes concernant les détentions de mineurs, instructions avec lesquelles j’étais en désaccord, ont été suivies. »
Nathalie Guibert
P.S. :
– Voir sur le site du Monde