…Vers une fin annoncée de la Justice des mineurs.
La jeunesse mal aimée, la jeunesse stigmatisée !
Régulièrement ciblée par les dispositifs instaurés au nom de la lutte contre l’insécurité, dont la multiplication démontre à elle seule la totale inefficacité : loi sur la sécurité intérieure, loi relative à la prévention de la délinquance, loi sur la récidive, ex-fichier EDVIGE, arrêtés municipaux instaurant le couvre feu
Le rapport Varinard remis à la Garde des Sceaux le 3 décembre 2008, remet en cause les principes fondateurs de l’ordonnance du 2.2.45 relative à l’enfance délinquante.
Le rapport signifie la fin d’une justice spécifique pour les mineurs.
L’enfant n’est plus reconnu comme un être en devenir, mais considéré comme un adulte et le code de la justice pénale des mineurs élaboré en remplacement de l’ordonnance du 2.2..45 renvoie à celui des majeurs.
La primauté de l’éducatif disparaît au profit de la peine et de la sanction. L’ensemble des mesures éducatives est remplacé par un dispositif de suivi unique (n° 44), la contrainte triomphe sous la forme d’obligation (scolarité, activité professionnelle…)
Toutes les difficultés inhérentes au parcours de ces adolescents sont occultées et leur exclusion au bout de ce chemin sera inévitable.
A l’individualisation nécessaire des réponses, suite aux passages à l’acte, s’est substitué un traitement global de l’adolescent, déconnecté de la réalité et qui ne tient pas compte de l’évolution personnelle du mineur.
Une réponse systématique à toute infraction, dans un délai rapproché, qui ne permet pas de mettre en place une action dans la durée.
La politique pénale des mineurs s’avère encore davantage plus exigeante que celle des majeurs. Un mineur n’a pas la maturité suffisante pour intégrer les règles d’un système probatoire.
La commission prévoit une progressivité dans les réponses (déjudiciarisation du 1° acte, avertissement final par le parquet, chambre du conseil, tribunal à juge unique) mais qui ne correspondra pas au parcours de l’adolescent qui est soumis aux aléas de sa vie familiale, et de son environnement.
La mise à l’écart des enfants ou des adolescents en difficulté est toujours contre productrice, donc inefficace.
Toutes les propositions privilégient les sanctions d’ordre répressif à tous les stades de la procédure.
Depuis son interpellation le mineur est soumis à une menace constante, celle d’être incarcéré.
Des nouvelles peines ou sanctions sont créées et malgré leur proportionnalité, elles conduiront inexorablement le mineur dans un lieu de contention : centre éducatif fermé ou de détention, pour non respect des obligations (40° 43° 50°).
Le rapport préconise des « peines d’emprisonnement de fin de semaine »
La prison pour les mineurs devrait rester l’exception, mais le caractère éminemment criminogène n’a pas retenu l’attention de la commission, qui avait aussi proposé l’âge de la responsabilité pénale à douze ans, comme étant « le plus pertinent, au regard de la réalité actuelle de la délinquance juvénile ».
Par ailleurs, dans ce dispositif qui privilégie le répressif à l’éducatif, dans ses réponses pénales, il y a un risque de banalisation de la détention des mineurs, qui peut devenir un placement « éducatif ou à vocation éducative ».
Il n’y a plus l’urgence de la sortie ‘ la peine devient éducative et peut s’inscrire dans la durée.
La création d’un tribunal correctionnel pour les 16-18 ans, remet profondément en cause la spécificité du tribunal pour enfants et le juge des enfants qui devient juge des mineurs et serait minoritaire dans la composition.
C’est un véritable glissement vers le code des majeurs.
L’abrogation de l’ordonnance du 2.2.45 constituerait une régression historique et les propositions ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, celui de préparer un avenir aux enfants et aux adolescents de ce pays, celui d’intégrer à ceux qui souffrent et sont en difficulté.
Le mineur a besoin d’être reconnu avant d’être suspecté et d’accéder à la place de sujet au sein de notre corps social : c’est redonner du sens à sa vie et lui redonner sa dignité.
Le texte propose de mettre en place un des dispositifs les plus répressifs d’Europe.
Les propos de N. Sarkozy durant la campagne électorale de 2007 , « un adolescent très grand et violent ne pouvait être considéré comme un mineur », pouvait laisser entendre que la feuille de route concernant les mineurs était tracée.
Cette politique sécuritaire du gouvernement ne fera pas baisser le taux de délinquance des mineurs, car il ne s’attaque pas aux causes et à ce jour tous les indicateurs sont au rouge : chômage de 60% des jeunes en banlieue, crise économique, contrôles abusifs par les services de police et discriminations à l’égard des jeunes des banlieues.
Renoncer à l’éducation de ces jeunes peut avoir de graves conséquences sur tout le corps social et sur sa cohésion.
Le contexte économique et social actuel, devrait au contraire favoriser la mise en place de mesures de protection envers les 16-25ans.
En Europe plusieurs pays ont choisi de faire bénéficier la législation pour mineurs aux jeunes majeurs : Italie, Allemagne, Pays- Bas, Espagne…
La politique répressive menée en Grande Bretagne à l’égard des mineurs est un échec, elle a eu pour conséquence l’augmentation du taux de délinquance juvénile.
Une politique ambitieuse pour la jeunesse ne peut se passer d’investissements et de moyens budgétaires à la hauteur de l’enjeu.
La France est avec la Finlande l’un des pays qui consacre la plus faible partie de son budget à la justice.
Elle est classée au 35° rang Européen.
Le rapport Varinard ne respecte pas la Convention Internationale des droits de l’enfant. En 2004, le Comité des Droits de l’Enfant avait épinglé la France en constatant un recours à la détention (notamment préventive) de mineurs très jeunes.
La France a été un modèle en matière de justice des mineurs au lendemain de la Libération ; l’ordonnance du 2.2.45, a posé des principes essentiels, celui de la primauté de l’éducatif sur le répressif.
Il y a des principes fondateurs qui valent d’être conservés dans une reconstruction actuelle d’un nouveau projet pour notre jeunesse.