Libre opinion
Tribune publiée dans Le Monde daté du 31 août 2012, dans les pages Débats “Gauche et sécurité, un mariage de raison ?“.
Par Emilie Thérouin, élue EELV (voir son blog)
Associons les communes à la politique de sécurité
La sécurité ne relève plus de la seule responsabilité de l’Etat. Les collectivités locales occupent une place centrale. Les élus locaux se retrouvent en première ligne, confrontés à la colère des victimes et à la demande croissante de sécurité de leurs administrés. Mais les communes concourent à la production de la sécurité en tant qu’aménageurs, opérateurs, gestionnaires de services publics et employeurs.
Ainsi, nous avons observé une implication réelle des villes, venant souvent pallier des carences étatiques, en finançant des polices municipales, des médiateurs, de la vidéosurveillance, etc. Le législateur est venu confirmer cette tendance en 2007 en érigeant le maire au centre de la prévention de la délinquance et en faisant du partenariat un incontournable.
Cependant il apparaît que l’Etat, d’une part, continue à se comporter comme donneur d’ordres alors que les communes financent les choix définis en hauts lieux – renforcement des prérogatives des policiers municipaux et promotion aveugle de la vidéosurveillance – et, d’autre part, qu’il se désinvestit avec l’application de la RGPP dans la police nationale et la gendarmerie. Or, une politique de prévention et de sécurité ne peut plus se concevoir uniquement à Paris. Pour autant, les élus locaux ne pourront obtenir des résultats seuls en dépit de leurs efforts.
En 2012, le président de la République décide d’ériger l’éducation, la justice et la sécurité comme priorités du quinquennat. En matière de sécurité, la première mesure est l’instauration de zones de sécurité prioritaires. Ce dispositif marque le retour de l’Etat. Toutefois, nous ne devons pas retomber dans les errances du centralisme. Les élus locaux doivent occuper une place centrale dans la redéfinition de la politique de prévention et de sécurité. Etant entendu que les problèmes de sécurité concernent avant tout des habitants et des territoires, il convient d’organiser une gouvernance plus locale de la sécurité.
S’il n’est pas question de faire des maires des shérifs ou d’opter pour une décentralisation de la sécurité, il s’agit d’orienter l’action publique en fonction des besoins des habitants et de se reposer sur des innovations locales. Ainsi, les priorités pourraient être convenues entre les communes, le parquet et les chefs de service de police ou de gendarmerie. Grâce aux nouvelles stratégies territoriales, les politiques publiques concourraient à prévenir toutes les formes de délinquance, en réconciliant prévention, dissuasion, sanction et réinsertion. Aussi, bâtissons un vrai service public de médiation.
La prévention situationnelle fait prédominer les impératifs de sécurité sous l’unique angle de l’urbanisme sécuritaire. Une autre prévention est possible qui améliore à la fois sécurité et cadre de vie. En effet, la vidéosurveillance doit être abandonnée, car elle est peu efficiente pour prévenir la délinquance, attentatoire aux libertés publiques et consommatrice de crédits publics et de personnels. La prévention ne saurait être efficace qu’assortie d’une présence humaine ” de terrain “, dissuasive et rassurante : la création de zones de sécurité prioritaires et la fin de la baisse des effectifs dans la police et la gendarmerie devront y contribuer.
Pour autant, nous ne pouvons éluder les questions de répartition des forces de l’ordre, de territorialisation des forces mobiles, du régime d’exception de la Préfecture de police de Paris et de relations police-population. Aussi, une nouvelle organisation territoriale pourrait aider à passer de la police de l’Etat à celle du citoyen. Police et gendarmerie doivent rendre compte de leur action aux habitants plutôt qu’aux seuls préfets, lesquels pourraient être rattachés aux services du premier ministre plutôt qu’au ministère de l’intérieur.
Partenaires des missions complémentaires des forces étatiques, les polices municipales se retrouvent être les seules polices de proximité. Acteurs territoriaux de la prévention et de la sécurité, les policiers municipaux doivent être mieux reconnus. Une filière prévention sécurité au sein de la fonction publique territoriale pourrait être créée.
Mieux conseillés, communes, intercommunalités, conseils généraux et régionaux ont un rôle à jouer afin de renforcer la sécurité. La sécurité ne sera garantie que si nous l’inscrivons dans une politique républicaine audacieuse et plus conforme aux attentes de nos concitoyens.
Par Emilie Thérouin, élue EELV (voir son blog)
NB : comme mes autres publications, cette contribution n’engage pas la municipalité d’Amiens.