Deux ou trois choses que j’attends d’elles,
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Club social démocrate

DES MAINTENANT EN EUROPE

« Aller à l’idéal et comprendre le réel », Jean Jaurès

c/o PV. Tournier 43, rue Guy Môquet 75017 PARIS,
Tél. 01 42 63 45 04
Mail pierre-victor.tournier@wanadoo.fr

  • RÉFORMES PÉNALES –

DEUX OU TROIS CHOSES QUE J’ATTENDS D’ELLES »

Ces 77 propositions faites aux forces progressistes, politiques, syndicales et associatives, dans la perspective des échéances politiques de 2007, ne cherchent pas à aborder tous les aspects de la question pénale, loin s’en faut. Elles se limitent aux domaines où nous avons pu participer, ces dernières années, à une réflexion collective entre chercheurs, universitaires, acteurs de la Justice pénale, militants politiques, syndicaux ou associatifs et personnes placées ou ayant été placées sous main de Justice [1].

Paris, le 1er juillet 2006
Pierre V. Tournier

• Connaître pour agir

  • 1. – Création d’une structure multidisciplinaire d’études et de recherches sur les infractions pénales, leur prévention, leur sanction et leur réparation [[Nous reprenons ici à notre compte les propositions de l’Appel des 115 signé par le club « DES Maintenant en Europe » au même titre que 50 autres organisations (sans compter les 650 signataires personnes physiques).
  • Tournier (P.V.), Criminalité délinquance, justice, connaître pour agir, Champ pénal / Penal Field. Nouvelle revue française de criminologie / New French Journal of Criminologie, rubrique « Vie de la recherche », champpenal.revues.org, 2006]].
  • 2. – Cette structure doit s’inspirer des expériences étrangères en la matière et chercher à rassembler, dans une même entité, des représentants des sciences du droit, des sciences de la société, des sciences médicales et du psychisme, et de la philosophie (modèle du « tétraèdre criminologique ») [2] chercheurs professionnels mais aussi acteurs de la Justice pénale intéressés par la démarche scientifique. Par son existence, elle doit partout favoriser cette approche multidisciplinaire du champ pénal qui manque tant à notre pays.
  • 3. – L’approche multidisciplinaire est la seule capable d‘éclairer le débat public sur la question pénale, au-delà de l’émotion, des souffrances, mais aussi des passions idéologiques, et d’apporter une contribution significative à la construction de politiques pénales, dépassant esprit de système et démagogie populiste.
  • 4. – La structure entreprend, développe, encourage, à son initiative ou à la demande des pouvoirs publics, tous travaux de recherches ayant pour objet l’étude des infractions pénales et des réponses apportées (prévention, aide aux victimes, poursuites à l’égard des auteurs, alternatives aux poursuites, prononcé des mesures et des sanctions, modalités d’exécution des unes et des autres) et ce dans toutes les disciplines concernées.
  • 5. – Elle évalue, effectue ou fait effectuer toutes recherches utiles à la connaissance scientifique, multidisciplinaire, du champ pénal et à sa contribution à la sécurité publique et à l’amélioration du fonctionnement des institutions pénales.
  • 6. – Elle recueille, centralise et valorise l’ensemble des travaux tant français qu’étrangers relevant de son champ d’activité par la création et le développement d’un centre de documentation de grande envergure, mis en réseau avec les centres existants.
  • 7. – Elle élabore des « synthèses de connaissances » [[Comme ce que l’INSERM a pu faire sur l’alcoolisme : – Collectif, 2001, Alcool. Effets sur la santé, Expertise collective Editions INSERM.
  • Collectif, 2003, Alcool. Dommages sociaux, abus et dépendance. Expertise collective, Editions INSERM]] et tient notamment le Gouvernement, le Parlement et les pouvoirs publics informés des connaissances acquises.
  • 8. – Elle apporte son concours à la formation à la recherche et par la recherche dans les domaines de sa compétence.
  • 9. – Elle participe à l’information de l’ensemble des citoyens.
  • 10. – Elle participe, au niveau international, à la diffusion des travaux français du champ et au développement de l’information en favorisant l’usage de la langue française.
  • 11. – Elle établit chaque année un rapport, largement diffusé, sur son activité, sur les résultats des travaux qu’elle a réalisés ou fait réaliser et formule des propositions.
  • 12. – Sur le plan administratif, différentes solutions sont à envisager et à évaluer à l’aune de deux critères, l’indépendance intellectuelle et l’efficacité à atteindre les objectifs définis : rattachement au Premier Ministre (auprès du nouveau Centre d’analyse stratégique ?), ou de plusieurs tutelles (Ministère de la Justice, Ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire, Ministère de la Santé et de la solidarité…), voire du seul Ministère de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cela dépend, naturellement, de l’évolution des structures existantes et des complémentarités à construire [3].
  • 13. – Par ailleurs, l’entité doit avoir des liens très étroits avec l’enseignement supérieur, tant universitaire que professionnel, sans oublier l’enseignement au collège et au lycée.

• Une nouvelle échelle des peines pour la France, pour l’Europe ?

  • 14. – La réforme du code pénal date de quelques années seulement (mise en application le 1er mars 1994), mais ce n’est pas une raison suffisante pour se refuser à l’amender si besoin. Et besoin il y a.
  • 15. – La gamme des sanctions possibles (et des aménagements possibles) a pu être comparée à un couteau suisse, aux lames si nombreuses et variées que l’on finit par ne plus trop savoir à quoi telle ou telle peut servir et perd, à la longue, toute utilité. Il en est ainsi du jour-amende, par exemple. L’exigence, fondamentale, d’une échelle de sanction graduée et réellement appliquée doit conduire à remettre sur l’établi la question de l’échelle des peines. Par ailleurs, la légitimité des peines exécutées en milieu ouvert (travail d’intérêt général (TIG) sursis avec mise à l’épreuve), dans l’esprit des juges et dans celui de nos concitoyens dépend en grande partie des moyens alloués aux Services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).
  • 16. – La place de la prison dans le système de sanction en France est paradoxale : les peines privatives de liberté (fermes ou avec sursis) représentent, en 2004, 53 % des sanctions prononcées en matière de crimes, délits et contraventions de 5ème classe (environ 2/3 si on se limite aux délits et aux crimes), mais 2/3 de ces peines sont prononcées avec un sursis total [4]. Ainsi la prison est la peine de référence sans l’être (sursis) tout en l’étant (risque de révocation du sursis). Nous proposons de mettre au coeur du système une nouvelle peine : le probation (à l’anglaise).
  • 17. – Cette nouvelle peine pourrait remplacer le sursis simple, le sursis avec mise à l’épreuve, le TIG peine principale, voir certaines amendes (jamais réglées). Elle pourrait représenter au moins 35 % des sanctions et détrôner les peines privatives de liberté, fermes (19 %). La probation (à l’anglaise) se définirait sans référence à un quantum d’emprisonnement ferme « épée de Damoclès » mais par un temps de probation vécu « dans la communauté » avec les obligations et les interdits strictement nécessaires comme dans le sursis avec mise à l’épreuve actuel, obligation ou non d’un travail d’intérêt général, etc. Si les conditions ne sont pas respectées par le condamné, pendant la période de probation, il est rejugé, sans préjudice de la nature de la nouvelle peine.

Proportion de peines alternatives parmi les sanctions prononcées en 2004[[ – Définition A. : Cette façon de raisonner repose sur la distinction entre peine privative de liberté au sens large (incluant le sursis total) et peines non privatives de liberté.

  • Définition B. : On exclut les peines avec sursis total (sursis simple, sursis avec mise à l’épreuve sans ou avec TIG) des peines privatives de libertés et on les inclut dans le champ des alternatives.
  • Définition C. : On limite les alternatives aux seules sanctions qui s’accompagnent des mesures de supervision.]]

tableau 1

  • 18. – Un certain nombre d’infractions actuellement susceptibles d’être sanctionnées par une peine privative de liberté doivent être sanctionnées, au maximum, par la nouvelle probation, lorsque que le prévenu n’était pas en situation de récidive légale. Exemple : le vol simple, le recel simple.
  • 19. – La mise en place de cette nouvelle sanction de probation ferait ainsi passer la proportion de « sanctions appliquées dans la communauté », au sens du Conseil de l’Europe, de 16 % actuellement à 40 %.
  • 20. – Au sommet de l’échelle des peines, il faut supprimer la peine de réclusion ou de détention criminelle à perpétuité, toutes les peines étant « à temps » (voir infra proposition n°47 et suivantes).
  • 21. – Il faut aussi supprimer les périodes de sûreté (voir infra proposition n°47 et suivantes) et ainsi ne pas préjuger des possibilités d’évolution des condamnés au cours de la détention, et donc de possibilités d’octroi d’aménagements de peine, placées sous la responsabilité du pouvoir judiciaire.

• Procédure (pour mémoire)

  • 22. – En matière de détention provisoire, il faut reprendre l’orientation retenue dans la loi du 15 juin 2000, et trop vite remise en cause à l’automne 2001 : réduire les possibilités de placement en détention provisoire et réduire les durées maximales [5].

La réclusion à perpétuité, aujourd’hui, en France

En France, aujourd’hui, 511 personnes purgent une peine de réclusion criminelle à perpétuité [6]. Passant de 299 en 1968 à 185 en 1975 ce nombre n’a cessé d’augmenter depuis et ce jusqu’à atteindre un maximum de 583 en janvier 2000. Du 1er janvier 1975 au 1er janvier 1981, l’accroissement annuel moyen avait été de 11% contre 2 % du 1er janvier 1981 au 1er janvier 1988. Ainsi, contrairement à ce que l’on affirme souvent, l’abolition de la peine de mort, en France, le 9 octobre 1981, ne peut être rendue responsable de cette hausse des perpétuités. Par ailleurs, la loi du 15 juin 2000 supprimant la compétence du Ministre de la Justice en matière de libération conditionnelle pour les longues peines au profit du pouvoir judiciaire a permis une certaine relance de cette mesure de libération anticipée entraînant une baisse du nombre de détenus condamnés à vie.

24 % des détenus condamnés à perpétuité sont détenus depuis moins de 10 ans, 52 % depuis 10 ans à moins de 20 ans, 20 % depuis 20 ans à moins de 30 ans. 17 condamnés sont incarcérés depuis 30 ans ou plus, le maximum étant de 41 ans (données au 1er mai 2005) [7]. Huit sur dix ont une période de sûreté.
L’analyse des détentions des libérés montre que la durée effective passée sous écrou est en nette augmentation. La moyenne calculée sur les sortants des années 1995-2005 est de 20 ans, soit 3 ans de plus que pour les sortants de 1961-1980 ou ceux de 1989. Depuis les années 1990, les durées de détention de plus 22 ans, qui, avant, étaient rarissimes représentent désormais un cas sur cinq.

• Une politique d’exécution des mesures et sanctions pénales déflationniste quant au recours à la détention

  • 23. – Un tel programme devrait être porté par la création d’un Secrétariat d’Etat à l’exécution des mesures et sanctions pénales placé auprès du Garde des Sceaux, ayant pour tâche d’élaborer un nouveau projet de loi pénitentiaire (que nous préférons appeler « loi sur l’exécution des mesures et sanctions pénales », pour essayer d’en finir, une fois pour toute, avec la « pénitence ») et de piloter une véritable politique déflationniste quant au recours à la détention.
  • 24. – Cette politique doit s’appuyer fermement sur les orientations du Conseil de l’Europe. En particulier :

* Recommandation sur le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, n°R (99)22, adoptée le 30 septembre 1999.
* Recommandation sur l’amélioration de la mise en oeuvre des règles sur les sanctions et mesures appliquées dans la communauté, n°R (2000)22, adoptée le 24 novembre 2000.
* Recommandation sur la libération conditionnelle, n° R (2003) 22, adoptée le 24 septembre 2003.
* Recommandation sur la gestion par les administrations pénitentiaires de condamnés à perpétuité et autres détenus de longues peines, R (2003) 23, adoptée le 9 octobre 2003.
* Recommandation sur les règles pénitentiaires européennes n° R (2006)2, adoptée le 11 janvier 2006. [[- Tournier (P.V.), Politiques sous influence ou recommandations sans effet ? Les politiques pénitentiaires en France et les recommandations du Conseil de l’Europe, revue Prison – Justice, à paraître.

  • Tournier (P.V.), Que faire des nouvelles règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l’Europe, le 11 janvier 2006 ? Communication au colloque « Pratique du droit, pensée du droit et engagement social » Dijon, 11-13 mai 2006, Atelier 7. La règle et sa lointaine application concrète, Dalloz, à paraître]]
  • 25. – Devant la situation de surpeuplement carcéral que l’on connaît, il faut appliquer la recommandation du 30 septembre 1999 du Conseil de l’Europe sur le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale. Cela signifie, agir sur trois fronts : le développement des alternatives réduisant les entrées en détention (1ère catégorie), des alternatives réduisant les durées de détention, sous écrou (2ème catégorie), des alternatives réduisant le temps passé derrière les murs avec maintien sous écrou (3ème catégorie). Cette même recommandation, puis celle de 24 septembre 2003 ont montré toute l’importance de la libération conditionnelle dans ce programme (voir propositions n°45 et suivantes) [8].

Surpeuplement carcéral et aménagement des courtes peines

Au 1er janvier 2006, l’effectif de la population sous écrou est de 59 522 (métropole et outre-mer). Il se décompose de la façon suivante : 19 732 prévenus, 1 178 condamnés à un an et moins « placés », 10 994 condamnés à un an et moins détenus et 27 618 condamnés à plus d’un an. Les condamnés placés sont sous surveillance électronique (PSE) ou « en placement à l’extérieur ». On n’a pas inclus dans cette catégorie les condamnés en semi-liberté. Ainsi, à cette date, moins de 10 % des courtes peines sont exécutées en milieu ouvert.
Cette proportion de courtes peines aménagées (à une date donnée) varie de 5 % outre-mer à 14 % dans la direction régionale de Lyon. En métropole, elle est inférieure à 10 % dans les directions régionales de Paris (7 %), Lille et Rennes (8 %).

Si l’on retranche du nombre de personnes écrouées (59 522), les condamnés placées (1 178), on obtient 58 344 détenus pour 51 252 places opérationnelles, soit une densité carcérale globale de 113,8 détenus pour 100 places.
Cela donne un solde global (France entière) de 58 344 – 51 252 = 7 092. Mais si on regarde la situation, établissement par établissement, on trouve en fait un nombre de détenus en surnombre de 9 169 (car il y a 9 169 – 7 092 = 2 077 places inoccupées).

En comptant maintenant, dans chaque établissement surpeuplé, le nombre de condamnés à un an et moins dont on pourrait aménager la peine en milieu ouvert pour atteindre une densité de 100, dans l’établissement, on obtient un chiffre total de 6 496.
Ainsi en aménageant ces peines, le nombre de détenus en surnombre passerait de 9 169 à 9169 – 6 496 = 2 673, soit une baisse de 70 % .[9]

  • 26. – Alternatives réduisant les entrées en détention : il s’agit de favoriser le contrôle judiciaire pour éviter la détention provisoire et les peines alternatives (nouvelle probation, voir supra proposition n°16).
  • 27. – Le TIG, mesure pouvant accompagner une mesure de probation, pourrait changer de nom et s’appeler « service d’intérêt général » (SIG). Présenter le travail comme une peine semble peu pédagogique pour les personnes concernées.
  • 28. – Les municipalités (à partir d’une certaine taille) et les associations subventionnées (à partir d’un certain niveau de subvention) devraient avoir obligation de fournir un nombre minimum de postes de SIG, en fonction de leur importance.
  • 29. – Alternatives réduisant les durées de détention (sous écrou) : la mesure phare est évidemment la libération conditionnelle (voir propositions n°45 et suivantes).
  • 30. – Alternatives réduisant le temps passé derrière les murs avec maintien sous écrou : il s‘agit principalement de développer le placement à l’extérieur, le placement sous surveillance électronique fixe (PSE) et la semi-liberté. Aussi faudrait-il pouvoir disposer, dans chaque maison d’arrêt, de places de semi-liberté.

• Numerus clausus du placement sous main de Justice

  • 31. – En ce qui concerne les locaux de détention, la nouvelle version des Règles pénitentiaires européennes apporte les précisions suivantes : « Chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus. Une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter. Dans la mesure du possible, les détenus doivent pouvoir choisir avant d’être contraints de partager une cellule pendant la nuit » (Article 18 alinéas 4 à 7). La situation actuelle ne permet évidemment pas de respecter cette recommandation. Aussi pensons-nous qu’il est nécessaire de mettre en place un système de contrôle strict de non dépassement des capacités du placement sous main de Justice [10].
  • 32. – Il s’agit donc du placement sous écrou (ensemble des établissements pénitentiaires) mais aussi du placement sans écrou, en milieu ouvert : prévenus sous contrôle judiciaire, condamnés au sursis avec mise à l’épreuve, au travail d’intérêt général ou en libération conditionnelle, etc.
  • 33. – Cela nécessite de procéder à une évaluation rigoureuse des capacités actuelles du milieu fermé comme du milieu ouvert (question de locaux et de personnels) en distinguant bien les différentes situations juridiquement possibles [11]. Cet état des lieux devrait « faire consensus » et permettre de définir, dans le même esprit, le « parc » nécessaire et … suffisant pour le présent et pour l’avenir, en milieu fermé comme en milieu ouvert. Ce n’est pas une question de divination, mais d’évaluations rigoureuses et de choix politique. Le parc pourrait ensuite évoluer, dans une perspective réductionniste vis-à-vis de la privation de liberté, au profit de prises en charge dans la communauté, selon l’expression utilisée au Conseil de l’Europe.
  • 34. – Ce contrôle des capacités pourrait se faire sur la base du descriptif des 10 catégories suivantes (Concept de mosaïque pénitentiaire)

Mosaïque pénitentiaire
1. Places en milieu ouvert
1.1 Prévenus non écroués [contrôle judiciaire]
1.2 Condamnés non écroués [SME, TIG, LC, suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire]
2. Places en Centres éducatifs fermés pour mineurs (CEF)
2.1 Prévenus non écroués [contrôle judiciaire]
2.2 Condamnés non écroués [SME, LC]
3. Places en Milieu fermé / sous écrou / hors les murs
3.1 Prévenus écroués [hospitalisation extérieure, UMD]
3.2 Condamnés écroués
3.2.1 Hors les murs absence temporaire et totale [PS, hospitalisation extérieure, UMD]
3.2.3 Hors les murs absence permanente et partielle [semi-liberté]
3.2.3 Hors les murs absence permanente et totale [PSE fixe]
4. Places en Milieu fermé / sous écrou / dans les murs
4.1 Prévenus écroués [détention provisoire]
4.2 Condamnés écroués [exécution de peine]

  • 35. – Pour ce qui de l’exécution des courtes peines en milieu fermé (un an ou moins), il ne devrait pas être possible de les mettre à exécution dans un établissement dont la densité carcérale est supérieure à 100 détenus pour 100 places. Dans ce cas trois solutions pourraient s’offrir au parquet : a. mettre à exécution mais libérer le condamné détenu dans l’établissement dont le reliquat de peine est le plus faible, b. Surseoir à la mise à exécution, c. Aménager la peine restant à subir en milieu ouvert.

• Citoyennes et citoyens détenus

  • 36. – Dans leur nouvelle version, les règles pénitentiaires européennes (RPE), précisent à l’article 92, sous le titre Inspection gouvernementale : « Les prisons doivent être inspectées régulièrement par un organisme gouvernemental, de manière à vérifier si elles sont gérées conformément aux normes juridiques nationales et internationales, et aux dispositions des présentes Règles ». Et dans l’article 93, sous le titre Contrôle indépendant : « Les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques. Ces organes de contrôle indépendants doivent être encouragés à coopérer avec les organismes internationaux légalement habilités à visiter les prisons ». Nous proposons que ce contrôle indépendant soit confié à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, autorité administrative indépendante, créé par la loi 2000-494 du 6 juin 2000. Ses compétences seront donc élargies et les moyens de son fonctionnement assurés.
  • 37. – La question du contrôle extérieur a été fort bien instruire par la commission mise en place par Elisabeth Guigou alors Garde de Sceaux et présidée par Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation. Son rapport fut déposé en mars 2000 [12] : six ans plus tard, ne serait-il pas temps d’agir ? D’autant plus que la France a signé, à l’occasion de la 60me session de l’Assemblée générale de l’ONU, le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture. Ce protocole prévoit un système d’inspections régulières des lieux de détention afin de prévenir des pratiques abusives et d’améliorer les conditions de détention.
  • 38. – Dans cet esprit, nous préconisons que ce contrôle concerne à la fois les établissements pénitentiaires, les hôpitaux psychiatriques, les lieux de rétention administrative et les locaux de garde à vue. Cette pluri-compétence, inspirée des modes de fonctionnement du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains et dégradants (CPT) aura l’avantage de ne stigmatiser aucun des corps professionnels concernés.
  • 39. – Nous proposons d’étendre aux membres français du Parlement européen la possibilité de se rendre dans les établissements pénitentiaires que députés et sénateurs ont depuis la loi du 15 juin 2000.
  • 40. – Sous le titre Régime pénitentiaire, les RPE précisent dans l’article 25, les points suivants : « Le régime prévu pour tous les détenus doit offrir un programme d’activités équilibré. Ce régime doit permettre à tous les détenus de passer chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux. Ce régime doit aussi pourvoir aux besoins sociaux des détenus. » Dans les prisons françaises, il y a urgence à lutter contre l’oisiveté en détention. Chaque personne détenue pourra bénéficier d’une, au moins, des solutions suivantes : a. un emploi en atelier, b. une formation générale et/ou professionnelle, c. des activités culturelles et/ou de formation à la citoyenneté.
  • 41. – Pour chacune de ces activités, les personnes détenues (prévenues ou condamnées) recevront une rémunération et/ou un revenu minimum de préparation à la sortie (RMPS).
  • 42. – Dans une des premières étapes de la réécriture des RPE, on a pu lire ceci : « Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à se réunir pour débattre de questions d’intérêt commun. Les autorités pénitentiaires doivent encourager les comités représentant les détenus à communiquer avec elles concernant les modalités de l’emprisonnement ».

Une telle rédaction, proposée par le Conseil de coopération pénologique, formé, rappelons le, de personnalités de haut rang de sept pays européens a dû effrayer, par son audace, plus d’un gouvernement (dont le notre). La dernière version de l’article 50 est plus « soft ». Sous le titre Bon ordre. Approche générale, on trouve cette recommandation : « Sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires à ce sujet ». Peu importe la façon de l’exprimer : il nous paraît impératif de créer, dans la loi et dans les faits, les conditions d’une véritable participation des détenus à l’organisation de la vie en détention, en s’inspirant de ce qui se fait chez nos partenaires européens (comités consultatifs de détenus) [13].

  • 43. – Les périodes électorales ou référendaires devraient être un moment privilégié d’ouverture des établissements pénitentiaires vers la vie de la cité et de formation des personnes détenues aux responsabilités citoyennes. L’organisation de débats politiques pluralistes à l’intérieur des établissements doit être favorisée. Tous les moyens nécessaires doivent aussi être mis en place pour favoriser la participation aux votes des personnes détenues qui ne sont pas privées de leurs droits civiques.

On peut, par ailleurs, s’interroger sur le fait de savoir si la privation du droit de vote (devoir citoyen) à titre de peine complémentaire n’est pas en contradiction avec l’objectif de la sanction : « vivre une vie responsable et exempte d’infractions pénales » [14].

  • 44. – Nous pensons qu’il serait aussi nécessaire de mettre en place des lieux d’expression collective des personnes placées sous main de justice suivis en milieu ouvert (comités consultatifs de personnes suivies).

• Pour une réforme globale de l’aménagement des peines privatives de liberté

  • 45. – Créée, en France, en 1885, la libération conditionnelle est en crise, depuis des années. Elle est octroyée à une petite minorité des détenus condamnés, alors qu’elle devrait être la voie normale vers la fin de peine. Il faut refonder une libération conditionnelle, appliquée au plus grand nombre, dans des conditions de sécurité satisfaisantes. Aussi doit-elle être au coeur des procédures d’aménagement des peines. Après les lois Perben 2 et Clément 1er, il faut donc tout revoir sur le sujet.
  • 46. – Afin d’aider les condamnés à (ré) apprendre à vivre dans le respect des lois et de protéger les victimes potentielles de nouveaux délits et de nouveaux crimes, toute peine privative de liberté doit être aménagée. Cela signifie qu’avant la fin de la peine, le condamné doit pouvoir sortir de l’établissement pénitentiaire où il est écroué, accompagné ou non, de façon partielle ou totale, de façon temporaire ou définitive, sans pour autant que l’écrou soit levé. La peine prononcée adaptée, par son aménagement, au devenir du condamné, prend tout son sens et tend à rétablir le lien social entre l’auteur de l’infraction et la société. Le respect dû aux victimes et la sécurité de tous, pour l’avenir sont à ce prix.
  • 47. – Une telle orientation est en contradiction avec l’existence des peines perpétuelles et des périodes de sûreté. Ces dernières, introduites en 1978, Alain Peyrefitte étant Garde des Sceaux, interdisent toute procédure d’aménagement pendant un temps qui peut aller jusqu’à 30 ans, défini au moment du procès, voire imposé par la loi. Il faut abolir et la peine à perpétuité et les périodes de sûreté.
  • 48. – La peine de réclusion criminelle maximale encourue doit être de 30 ans. Il s’agit bien de la peine maximale encourue et non de la peine exécutée en détention (voir infra proposition n°63).
  • 49. – Toute peine d’emprisonnement, de réclusion ou de détention criminelle doit être exécutée dans sa totalité (période sous écrou incompressible) mais pour partie en milieu fermé et pour partie en milieu ouvert. Aussi la période sous écrou définie au moment du procès, ne peut-elle, en aucune manière, être réduite ou prolongée pour l’affaire concernée. Dans l’état actuel du droit, en cas de libération conditionnelle, le temps correspondant au reliquat de la peine à exécuter en milieu ouvert peut effectivement être prolongé. Dans le système préconisé, cela ne sera plus possible.
  • 50. – Une telle orientation nécessite de renoncer aux grâces collectives, remises au goût du jour par Valéry Giscard d’Estaing, en 1980, et systématiquement accordées, à l’occasion du 14 juillet, depuis le début des années 1990 [15].
  • 51. – Il en est de même des amnisties qui ne peuvent se justifier qu’à la suite d’événements de première importante dans la vie du pays dans un but de réconciliation nationale.
  • 52. – Des procédures transitoires devraient être utilisées afin d’éviter les réactions de détenus « privés de grâce », redoutées par l’administration pénitentiaire, le juge de l’application des peines pouvant moduler le montant de la grâce au cas par cas, comme en 1980, mais en motivant précisément sa décision, la partie modulable pouvant augmenter d’une année sur l’autre.
  • 53. – Ce principe implique aussi l’abolition du système des crédits de réduction de peine introduit dans la Loi Perben 2, comme des réductions de peine supplémentaires.
  • 54. – Les procédures d’aménagement des peines doivent dépendre de la longueur de la peine prononcée, comme c’est déjà en partie le cas. On distinguera, selon le quantum de la peine ferme prononcée, les « courtes peines » (un an ferme ou moins), les peines intermédiaires (plus d’un an à 5 ans), les longues peines (plus de 5 ans à 10 ans) et les très longues peines (plus 10 ans à 30 ans) [16]. En cas de peines multiples, c’est évidemment la somme des quantum prononcés qui sera à prendre en compte.
  • 55. – Les courtes peines [17] seront systématiquement exécutées, à temps partiel ou à plein temps, en milieu ouvert, sauf incident en cours d’exécution (semi-liberté, placement à l’extérieur, placement sous surveillance électronique fixe). Pour des questions de délai, la libération conditionnelle est peu adaptée à ce type de peine et devrait être réservée aux sanctions les plus longues. N’oublions pas que les peines privatives de liberté sont souvent en partie exécutées avant d’avoir été prononcées, du fait de l’existence d’une détention provisoire.
  • 56. – Aussi tout doit-il être fait pour limiter autant que faire se peut le recours à la détention avant jugement (voir supra proposition n°22).
  • 57. – La Libération conditionnelle sera la mesure centrale d’aménagement des peines de plus d’un an. Elle doit concerner l’immense majorité de ces condamnés. Les autres mesures d’aménagement s’inscrivent dans cette perspective (permissions de sortir, placement à l’extérieur, semi-liberté, placement sous surveillance électronique fixe, voire placement sous surveillance électronique mobile, pour les peines les plus lourdes).

Aménagement des peines et « récidive » des auteurs d’agression sexuelle

L’examen d’échantillons de condamnés libérés, entre le 1er mai 1996 et le 30 avril 1997, après avoir été sanctionnés pour agression sexuelle ou autre atteinte sexuelle (crime ou délit) sur mineur donne les résultats suivants :

Aménagement des peines : – Part de la peine prononcée effectuée en détention : échantillon « crime » = 69 % échantillon « délit » = 67 % (Exemple : en moyenne une personne condamnée à 10 ans de réclusion criminelle a fait environ 7 ans en détention).

  • Proportion de condamnés bénéficiaires d’une libération conditionnelle : échantillon « crime » = 23 %, échantillon « délit » = 10 %

Devenir judicaire 5 ans après la levée d’écrou : – Proportion de libérés ayant été de nouveau condamnés, quelle que soit la nature de la nouvelle infraction commise dans les 5 ans, quelle que la soit la nature de la nouvelle sanction : échantillon « crime » = 30 %, (32 % pour les fins de peine, 24 % pour les LC).
échantillon « délit » = 23 % (25 % pour les fins de peine, 10 % pour les LC).

  • Proportion de libérés ayant été de nouveau condamnés à une peine ferme privative de liberté, quelle que soit la nature de la nouvelle infraction commise dans les 5 ans : échantillon « crime » = 11 % (12 % pour les fin de peine, 10% pour les LC), échantillon « délit » = 11 % (13 % pour les fins de peine, 0% pour les LC).
  • Proportion de libérés ayant été ultérieurement condamnés à une peine de réclusion criminelle, quelle que soit la nature du crime commis dans les 5 ans : échantillon « crime » = 1 %, échantillon « délit » = moins de 0,5 % [18].
  • 58. – Les conditions d’octroi de toutes ces mesures d’aménagement doivent être entièrement unifiées pour permettre au juge de l’application des peines ou au tribunal de l’application des peines de passer facilement de l’une à l’autre selon les besoins.
  • 59. – Dans le système français actuel de libération conditionnelle, il y a levée d’écrou au moment de l’octroi. Nous proposons que le libéré conditionnel reste désormais placé sous écrou (avec transfèrement dans l’établissement le plus proche de son domicile – de son lieu d’hébergement -). Sa situation serait ainsi comparable, sur ce point, à celle d’un condamné placé sous surveillance électronique fixe. Cette disposition aurait l’intérêt de rappeler à chacun que la mesure de libération conditionnelle n’est pas une fin de peine mais une modification des conditions de l’exécution d‘une peine d’emprisonnement, de détention ou de réclusion criminelle, avec tout ce que cela peut comporter de contraintes, d’interdictions, d’obligations et de contrôles.
  • 60. – Pour les condamnés à des peines intermédiaires [19], nous proposons un système de libération conditionnelle d’office à ½ peine pour les non récidivistes, comme pour les récidivistes, les mesures d’aide et de contrôle étant définies par le juge de l’application des peines (JAP). Des mesures de sortie anticipée partielle et/ou temporaire peuvent être octroyées avant la ½ peine par le JAP (par exemple des permissions de sortir).
  • 61. – Les condamnés aux longues peines, récidivistes ou non [20]peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle à ½ peine, la décision étant prise par le JAP (système discrétionnaire). En fonction des progrès réalisés dans l’avenir en matière d’aménagement des peines, ce système devrait évoluer vers un système de libération d’office, comme pour les peines intermédiaires.
  • 62. – De même, les condamnés aux très longues peines [21] peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle à ½ peine pour les non récidivistes, comme pour les récidivistes. La décision est prise par le tribunal de l’application des peines (système discrétionnaire). Là encore, en fonction des progrès réalisés dans l’avenir en matière d’aménagement des peines, ce système devrait évoluer vers un système de libération d’office, comme pour les peines intermédiaires. Quand nous parlons de progrès, nous pensons aussi bien aux modalités de prise en charge au sein de la détention qu’en milieu ouvert (voir proposition supra proposition n°36 et suivantes).
  • 63. – La partie exécutée en détention ne pourra en aucun cas excéder 20 ans (libération conditionnelle d’office pour tous, au bout de 20 ans). Ainsi un condamné à une peine de 30 ans, effectuerait au maximum les 2/3 de sa peine en détention. Il s’agit d’un maximum : un condamné à une peine de 30 ans, qu’il soit récidiviste ou non, pourra bénéficier d’une libération conditionnelle à ½ peine soit au bout de 15 ans. On peut aussi prévoir qu’il bénéficie de mesures de sortie anticipée partielle et/ou temporaire octroyées avant la ½ peine, donc avant 15 ans, par le tribunal de l’application des peines (par exemple des permissions de sortir). On peut penser que 15 ans sous le régime de la libération conditionnelle, donc sous mandat judiciaire, c’est beaucoup trop. Tout dépend des contraintes imposées en milieu ouvert, contraintes qui, si tout se passe bien, devront évidemment évoluer dans le temps et aller en s’amenuisant, jusqu’à disparaître si elles ne sont plus nécessaires. La personne restera pour autant, juridiquement sous écrou.
  • 64. – La recommandation du Conseil de l’Europe du 24 septembre 2003 sur la libération conditionnelle, rappelle que 5 pays sur les 46 membres du Conseil de l’Europe n’ont pas de peine perpétuelle. Il s’agit de la Croatie, de l’Espagne, de la Norvège, du Portugal et de la Slovénie. Si nous voulons construire un espace judiciaire européen, il nous faudra construire une échelle des peines commune, allant dans le sens du renforcement des droits de l’homme et de nos valeurs humanistes. Il est aujourd’hui acquis que la peine de mort ne sera pas ce dernier échelon. Mais ce ne sera pas non plus la peine à perpétuité. En Croatie et en Espagne la peine maximale encourue est de 40 ans. Elle est de 30 ans au Portugal ou en Slovénie… et de 21 ans en Norvège.

• Connaître pour Lutter contre la récidive des infractions pénales

  • 65. – L’une des fonctions prioritaires de la structure d’études et de recherches préconisée supra (Propositions n°1. à 13.), devrait être l’analyse stratégique de la récidive par un observatoire permanent en la matière. Les propositions qui suivent peuvent aussi servir d’illustration de ce qu’il y aurait à faire, sur le plan scientifique, dans d’autres domaines du champ pénal [[- Tournier (P.V.), Lutter contre la récidive dans le respect des droits de l’homme, Les Annonces de la Seine, n°51, jeudi 28 juillet 2005, 5-6.
  • Tournier (P.V.), Solutions contre la récidive, Libération, Rebonds, 18 juillet 205, 30-31]].
  • 66. – L’observatoire de la récidive [22] pourrait mobiliser les compétences des directions du Ministère de la Justice les plus directement concernées : Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), Direction de l’Administration pénitentiaire (DAP) et Direction de l’administration générale et de l’équipement (DAGE), sans oublier le Service des affaires européennes et internationales (SAEI). L’observatoire devrait aussi avoir les moyens de procéder à des visites et ou à des auditions afin de mobiliser toutes les compétences acquises par les acteurs de terrain ou par les chercheurs, en France ou chez nos partenaires européens.
  • 67. – Il centralise les données existantes : données juridiques, données statistiques et analyses du phénomène dans le cadre des différentes disciplines concernées. Le corpus ne doit pas se limiter à la définition, à la mesure de la récidive et l’étude des conditions du nouveau passage à l’acte, mais doit naturellement inclure, en amont, la question du prononcé des mesures et sanctions pénales, les conditions juridiques et sociologiques de leur application (aménagement) en milieu fermé comme en milieu ouvert, les conditions juridiques et sociologiques de fin de placement sous main de Justice.
  • 68. – Il accorde une attention toute particulière aux productions du Conseil de l’Europe en la matière et en particulier du Conseil de coopération pénologique (recommandations et autres travaux) et des autres instances internationales.
  • 69. – Il met cette information à disposition (site internet). Il actualise en permanence cette base documentaire.
  • 70. – Il développe des outils pédagogiques permettant de synthétiser les informations les plus importantes issues de cette base documentaire pour les rendre lisibles par le plus grand nombre (services de la Chancellerie et autres départements ministériels, Parlement, acteurs de la justice pénale, syndicats, associations, médias) : notes techniques, synthèses, comparaisons entre MSP, entre aménagements, comparaisons internationales, etc. Ce travail exige, évidemment, une grande rigueur scientifique afin que ces outils puissent servir de référence à tous, quelles que soient les sensibilités idéologiques.
  • 71. – Il assure une fonction de veille concernant les cas de récidive, qui justifient, de par leur gravité et leur médiatisation, une information à chaud, rapide mais objective, de nos concitoyens. Il approfondit l’étude de ces cas, au delà de la période d’intérêt politico-médiatique. Il examine a posteriori leur traitement médiatique afin d’améliorer les modes de communication des pouvoirs publics et des scientifiques. Un tel travail doit naturellement associer des professionnels de l’information.
  • 72. – Il aide à la construction des programmes – et à leur mise en oeuvre – de formation initiale et continue, sur la question, dans les écoles relevant du Ministère de la Justice : Ecole nationale de la magistrature (ENM), Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), Centre de formation de la protection judiciaire de la jeunesse. Il ne peut s’agir ici que de propositions et de mises à disposition de ressources dans le respect de la compétence des écoles à déterminer contenus et méthodes d’enseignement.
  • 73. – Il participe à l’élaboration de nouveaux instruments statistiques au sein du Ministère de la Justice, assurant une production régulière sur le sujet. Là encore, il ne s’agit pas de se substituer aux services compétents, mais d’être un lieu de réflexion, une force de proposition et de mobilisation de moyens.
  • 74. – Il mobilise la communauté scientifique, dans toute sa diversité, sur ces questions, afin qu’elle apporte sa contribution à l’élaboration de nouveaux programmes de recherches pluridisciplinaires qui devraient être pilotés et financés par la mission de recherche « Droit & Justice ».

Proportions de libérés sans nouvelle affaire et avec nouvelle affaire selon la nature de la condamnation
(5 ans après la libération)

Tableau 2

  • 75. – Il facilite la coopération avec nos partenaires européens, pour une meilleure connaissance des systèmes juridiques, des pratiques (« bonnes » ou « mauvaises ») et des résultats du traitement de la récidive, coopération qui devrait aussi inclure la réalisation d’enquêtes, en parallèle, reposant sur des méthodologies identiques (du moins compatibles entre elles).
  • 76. – Il rédige un rapport annuel, largement diffusé (conférence de presse et internet) rendant compte des avancées concernant les objectifs définis supra. On pourrait aussi y trouver des recommandations de toutes natures, susceptibles d’améliorer le traitement de la récidive des infractions pénales.
  • 77. – L’une des retombées pratiques attendues de la mise en place d’un tel observatoire pourrait être de permettre au Ministère de la Justice d’inclure, parmi les objectifs qu’il devra définir – et quantifier – chaque année par application de la Loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) la prévention de la récidive. A ce jour, cet objectif fondamental de la Justice pénale n’a été retenu ni parmi les six objectifs de la « Justice judiciaire », ni parmi les sept objectifs de « l’administration pénitentiaire ». Seule la « protection judiciaire de la jeunesse » l’a intégré à ses sept objectifs [23].

Vous avez dit « DES Maintenant » ?

Club de réflexion, fondé à Paris le 28 octobre 2004, « Déviances & Social-démocratie, Maintenant en Europe» (« DES Maintenant ») a vocation à faire travailler ensemble adhérents et sympathisants du Parti Socialiste et des autres partis de la gauche française, qui pour des raisons professionnelles et/ou militantes s’intéressent à la question des « déviances » et de leur « contrôle » et ressentent le besoin impérieux d’un débouché politique, résolument progressiste, à leur réflexion, à leur action sur le terrain, à leur engagement militant.

* Se fondant sur les travaux scientifiques les plus pertinents, réalisés dans le champ criminologique en France et à l’étranger,
* s’appuyant fortement sur la « société civile organisée » (syndicats et autres organisations professionnelles, associations et ONG internationales de défense des droits de l’homme),
* situant, évidemment, ses travaux dans un cadre européen (Union Européenne et Conseil de l’Europe), et cherchant à développer son action au delà de nos frontières…

« DES Maintenant » a pour objectif premier d’être une force de propositions vis-à-vis des instances de toutes les composantes de la gauche sur les questions de sécurité, de prévention et/ou de répression de la délinquance et de la criminalité et sur les transformations structurelles à entreprendre dans les institutions pénales (au sens large du terme).

« DES Maintenant » se veut aussi ouvert au débat républicain, sur les questions de sa compétence, avec les mouvements alternatifs ou alter mondialistes, les organisations d’extrême gauche, et tous les partis républicains, à condition qu’ils manifestent, en toutes circonstances leur engagement dans le combat contre l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie et tous les ségrégationnismes.

Notes

[1] Association Recherches, Confrontations et Projets sur les mesures et sanctions pénales (RCP), Association française de criminologie (AFC) et son groupe de travail Mesures et Sanctions Pénales (MSP), le séminaire de recherche Mesures Pénales / Privation de Liberté (MP-PL), le Collectif Octobre 2001, la commission nationale Justice du PS et celle des Verts, le Groupe récidive du groupe UDF à l’Assemblée nationale, le Groupe d’étude de la récidive en Europe (GERE) et l’Appel des 115

[2] Voir projet de statuts de l’association TETRA dont l’objet est de soutenir l’Appel des 115

[3] Nous pensons, en particulier, à l’Observatoire national de la délinquance (OND), à l’Institut des hautes études sur la Justice (IHEJ), au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP) ex Service d’études pénales et criminologiques (SEPC) de la Chancellerie et seule survivance de la recherche au Ministère de la Justice, d’avant la réforme de 1983, aux structures de recherches de l’ENM et de l’ENAP, à la Commission de suivi de la détention provisoire, à la Commission de suivi et d’analyse de la récidive, etc.

[4] Tournier (P.V.), Le poids des peines alternatives à la détention. Condamnations de 2004, inscrites au casier judiciaire, France entière, Arpenter le Champ Pénal / Les comptes du lundi, 26/06/06, n°2, 4 pages

[5] Voir rapport de la Commission d’enquête parlementaire de l’affaire dite d’Outreau

[6] Au 1er avril 2006, dernière donnée disponible (métropole)

[7] Kensey (A.), Durée effective des peines perpétuelles, Ministère de la Justice, Cahiers de démographie pénitentiaire, n°18, nov. 2005, 6 pages

[8] Tournier (P.V.), La recommandation rec (2003) 22 du 24 septembre 2003. Plaidoyer pour la libération conditionnelle. Conférence ad hoc des directeurs d’administration pénitentiaire (CDAP) et de service de probation, Rome, 25-27 novembre 2004, Conseil de l’Europe, CDAP (2004) 1, 11 pages

[9] Kensey (A.), coll. Tournier (P.V.), « Surpeuplement carcéral et aménagement des courtes peines, au 1er janvier 2006. Méthodologie », Direction de l’administration pénitentiaire, Concepts et Méthodes, n°24, mars 2006, 60 pages

[10] Tournier (P.V), dir., Population carcérale et numerus clausus, débat autour d’un concept incertain : contributions et documents, publication du Club « DES Maintenant », septembre 2005, 35 pages

[11] Tournier (P.V.), Mosaïque pénitentiaire : une topologie mouvante, Actualité juridique. Pénal, Les Editions Dalloz, n°9/2004, 333-334. 2004

[12] Commission « Canivet », Commission pour l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, Rapport à Madame le Garde des Sceaux, 2000

[13]  Bishop (N.), « La participation des personnes détenues à l’organisation de la vie en détention », Revue « Champ Pénal /Penal Field », 2006, http://champpenal.revues.org/document485.html

[14] Recommandation sur les règles pénitentiaires européennes n° R (2006)2, adoptée le 11 janvier 2006, règle n°102-1 : « […] le régime des détenus condamnés doit être conçu pour leur permettre de mener une vie responsable et exempte de crime »

[15] Tournier (P.V.), Les grâces collectives du 14 juillet ou le degré zéro de la politique pénale en France, tribune sur le site www.jack-lang.com du Club « Inventons l’Avenir », mis en ligne le 11 juillet 2005, publié aussi sous forme de tribune, dans Métro, daté du 12 juillet

[16] Pour le Conseil de l’Europe, les longues peines sont les peines de plus de 5 ans. Voir Recommandation sur la gestion par les administrations pénitentiaires de condamnés à perpétuité et autres détenus de longues peines, R (2003) 23, adoptée le 9 octobre 2003

[17] Environ 10 000 condamnés détenus, à une date donnée

[18] Kensey (A.), Tournier (P.V.), Prisonniers du passé ? Cohorte des personnes condamnées, libérées en 1996-1997 : examen de leur casier judiciaire 5 ans après la levée d’écrou (échantillon national aléatoire stratifié selon l’infraction), Ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire, Coll. Travaux & Documents, n°68, 2005, livret de 63 pages + CD ROM. annie.kensey@justice.gouv.fr

[19] Environ 12 000 condamnés détenus à une date donnée

[20] Environ 5 700 condamnés détenus à une date donnée

[21] Environ 7 400 condamnés détenus à une date donnée

[22] La Commission d’analyse et de suivi de la récidive mise en place début 2006 par M. Pascal Clément en est une caricature (pas de moyens et pas d’ambition, si l’on en croit sa faible activité)

[23] Point 6. « Prévenir la réitération et la récidive », indicateur : « part des jeunes pris en charge au pénal qui n’ont ni récidivé ni réitéré dans l’année qui suit la clôture de le mesure ». Réf. Rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, tome 2., présenté au nom de M. Dominique de Villepin, premier Ministre, juin 2005,. 41-42