Le cas Cyril Khider…
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Le cas Cyril Khider,

Voici le dernier texte accompagné de la lettre envoyée en AR par Catherine Charles (mère de Cyril) à la juge d’instruction chargée d’instruire le dossier d’enquête demandée par l’Acat suite à de « gros débordements » de l’Ap.
Le procureur de la République a estimé que cette plainte était abusive et réclame 10.000 euros à Cyril Khider. _ Bienvenue au pays des droits de l’homme!!!

Dans les champs dévastés de la fraternité où plus rien ne pousse, tournoient imperturbables, les vautours de la sécurité. Rien. Plus la moindre trace de vie. Tout n’est plus que peur, individualisme et désolation.
La vraie rupture est là. Puissante, paralysante, tétanisante, horrible plaie grouillant de vers déshumanisants. Elle infecte, irradie, atomise et désintègre les dernières lueurs d’humanité.

La solidarité, elle, a la densité d’un nuage empli d’aigreurs qui tombent en pluie sur nos âmes corbillards de grands enfants égarés. Tandis, que le système nous livre, ses alibis en kit, dans de gros oeufs « Kinder », pondus par l’inflation sécuritaire, notre résistance, aussi légère qu’une aile de papillon, s’envole vers le mirage des technosciences et de l’hypra consommation.

Pendant ce temps, rêvant d’un monde meilleur à défaut d’être bon, l’humanité grelotte pieds nus dans l’illusion.
Et, dans nos jours agonisants, intermittents de nos spectacles, nous détournons les yeux sur toutes nos lâchetés.

Rien à foutre qu’on torture en prison. « Z’ont qu’à, ne pas z’y aller ». Ben oui, c’est forcément d’leur faute si ils en sont là, où ils en sont arrivés. Et puis, y’a pas de fumée sans feu, comme le dit la phrase consacrée.
Et, on finit par accepter, les injustices sociales, et le manque de justice en général, comme un mal nécessaire ou une fatalité.

Telles d’impromptues coulées de merde, dans le slip du système, elles nous paraissent inévitables. Pourtant, elles sont la conséquence directe d’une logique laxative que nous buvons tout en serrant les fesses, et surtout, sans tousser.

Evidemment, certains vont forcément rétorquer, qu’on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. Ceux qui, pour rentabiliser la misère, sont prêts à cautionner le pire, au nom du mieux. Eux, qui, baveuse, garnie ou brûlée, en espèrent tous une part…

Et, dans les intestins démocratiques, dans nos prisons, au cœur de l’occlusion, si proche de la flamme, la colère gronde, enfle et mugit. Tandis que le magma en fusion, pétri de toutes les haines et frustrations est en ébullition. Et les nœuds de rubans de feu, en gros bouillons, portés par des années d’humiliations, éclatent, comme des bulles de béton, dans les entrailles de la bête.

Et, ça et là, au cœur de toutes les escarbilles volantes, nées de leurs éruptions, perdurent, stériles, mais efficaces, la haine, la colère, la vengeance.

Pourtant, sur un bord de la déchirure, quelques âmes pures résistent avec leurs tous petits moyens. Une femme m’a guettée dans la rue. Deux fois. A quelques jours d’intervalle. C’est une jurée qui a siégé au procès d’assises de mes garçons, au mois de mars dernier. C’est la seconde femme jurée qui me contacte en quelques mois. La première avait claqué la porte, en pleine audience, après avoir dit à la présidente, ses quatre vérités. Du jamais vu ! Et puis aussi, cet autre membre du même jury, un homme cette fois, qui a offert à mes garçons, une boite de chocolat lors du procès.

12 heures. Temps du délibéré. Ils ont réellement bataillé, avec les autres, pour tenter de sauver, Cyril, mon fils cadet. Jamais, je ne pourrais oublier.
Et puis, il y a aussi, tous ces juristes qui, encore penchés sur ce dossier, nous permettent d’aller devant la cour européenne des droits de l’homme, dénoncer toutes ces ignominies.

L’Oip (observatoire international des prisons), l’Acat (actions des chrétiens pour l’abolition de la torture), madame Alima Boumédienne Thierry, sénatrice du parti des verts qui s’est rendue en prison, ainsi que tous et ceux et celles, que j’oublie de citer.
Toutes ces personnes ont replanté en moi, au cœur de la désolation ambiante, arbres de vie et de liberté, herbes d’amour et fleurs d’espoir, en m’empêchant de cultiver la haine.
Elles, qui n’ont pas voulu sortir du champ fleuri de leur âme, de leurs valeurs, de leur conscience, là où fleurissent, sur le terreau de l’honnêteté, tous les élans du monde et toutes les roses du petit prince…

Madame Charles-Catherine

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Saint-Maurice le 05/10/07

Madame Gensac,

Je viens de prendre connaissance, des réquisitions, rendues par le procureur de la république, par le biais de mon fils Cyril Khider qui avait déposé plainte, contre l’administration pénitentiaire, pour agression sexuelle, après une fouille musclée autant que poussée. Lors de cette fouille, il avait eu une côte et un orteil cassés, sans que, le médecin félon, présent sur les lieux, ne daigne mettre cet état de fait par écrit.

Dans ces réquisitions, le procureur avance qu’il s’agirait d’une plainte abusive et qu’il condamnait mon fils à une amende de 10.000 euros.

Peut être n’hésiterez vous pas à me traiter de menteuse, ou pire, à me faire condamner pour outrage à magistrat, moi qui ai vécu ces détestables pratiques en direct, elles qui m’ont envoyées à l’hôpital ?

Traiterez vous également ma belle fille de menteuse elle qui a vu arriver mon fils au parloir, couvert de sang ? Je ne parle même pas de toutes les horreurs qui sont relatées dans un dossier adressé à la cour européenne des droits de l’homme, que nous avons saisie, avec un mémoire conséquent, sur lequel plusieurs juristes se sont penchés.

Oui, il reste quelques personnes qui pèsent de tout leur poids dans la balance de la justice, pour tenter d’établir un semblant d’équilibre contre cette machine à broyer.

Ah utopie quand tu nous tiens !

Il me semble important, de rappeler ici, que le journal « l’Envolée » auquel j’ai participé plusieurs années, s’est vu traîner devant les tribunaux, après qu’une plainte en diffamation ait été déposée par l’ancien ministre de la justice, monsieur Pascal Clément. En effet dans l’un des numéros de ce journal, nous avions mis la lettre d’une personne détenue, qui avait subi le même genre d’horreurs que celles, pour lesquelles, mon fils Cyril, se voit condamné aujourd’hui, à 10.000 euros d’amende, pour avoir osé dénoncer la réalité de certaines pratiques carcérales.

J’ajoute pour finir que, monsieur Pascal Clément, a été débouté à l’issue de ce procès, au cours duquel, j’ai été entendue à la barre.

Hier encore, mon fils est arrivé au tribunal civil de Créteil les pieds nus, parce que les surveillants de la prison de Choconin, ont refusé qu’il garde le lacet de sa basket, alors qu’il a la jambe cassée depuis peu, et que, de ce lacet, dépend son équilibre, puisqu’il marche sur un pied aidé de béquilles.

Cette mesure, censée prévenir le suicide dans les geôles républicaines, est une pantalonnade, lorsque l’on sait que Cyril, est resté plus de cinq ans à l’isolement, à subir, tortures, actes dégradants, humiliations diverses et variées ! S’il avait du se suicider il y a longtemps que ce serait fait.

Ceci est un véritable scandale qui ne fait que confirmer, ce que tous nous pensons tout bas à savoir : porter plainte pour se défendre est un mirage.

Si l’administration pénitentiaire décide de détruire une personne, elle peut, en toute impunité, aller au bout de son ignoble logique, sans trouver sur sa route de réels éléments de frein.

Tous les recours, pour tenter de faire valoir un contre poids, aux exactions de celle ci, au regard des réquisitions du procureur dont je parle plus avant, sont parfaitement illusoires et poudre de Perlinpin jetée aux yeux de l’opinion publique.

Aujourd’hui, plus grand monde n’est dupe des pratiques féodales et monarcales de l’institution judiciaire qui n’a guère évoluée depuis le 15 ème siècle, malgré les discours dithyrambiques sur le sujet, qu’elle ne manque pas de nous servir, à la moindre occasion, pour redorer son blason.

Même ses armoires rient…

J’ai participé et animé durant presque quatre ans, chaque vendredi durant 1h30, une émission de radio qui s’adresse aux personnes détenues et, j’ai assisté en parallèle, à plusieurs procès où l’administration pénitentiaire était mise en cause. A ce titre, et au regard des innombrables courriers que ces personnes nous ont adressé, afin de dénoncer les exactions de l’administration en question, je sais de quoi je parle.

Toutes ces personnes savent, d’ores et déjà, que les recours par la voie légale ne servent à rien, que de nombreux magistrats couvrent systématiquement les dysfonctionnements et les débordements de leur bébé, l’administration pénitentiaire.

Après lecture de l’ordonnance, que le procureur a rendue, pompeuse, sclérosée, issue d’une justice absolue et majuscule, couvrant une administration faisandée par certains, qui impose ses règles à coups de poings, de claques ou de matraque, rendue du haut d’un trône, je me dis que mon fils ne sortira pas vivant de prison. J’ai peur, très peur.

J’ai bien compris que celle ci, n’a d’autre but, clairement affiché, que dissuader toute velléité de dépôts de plainte, de la part de nombreux autres torturés, ce qui, en tel cas, vous poserait problème.

S’extraire à tout prix de la diarrhée carcérale qui noie les hommes par petits bouts.

J’ajoute, qu’une justice qui se fait complice du pire, est un incroyable moteur pour des projets d’évasion au cœur de toutes les prisons de France, qu’elle promeut, fertilise et dynamise en ne disant mot contre l’inacceptable.

L’injustice accouche d’enfants qui lui ressemblent.

Voilà madame Gensac, ce que moi, maman, je tenais à vous dire, suite aux réquisitions du procureur de la république, après plus de six ans de combat contre l’hydre pénitentiaire et les moulins à vent de la justice.

Je ne vous salue pas, madame Gensac, je ne serais pas honnête, j’ai trop mal à mon fils.


P.S. :
Le cas Cyril Khider est suivi notamment par l’OIP, l’Acat et la sénatrice Alima Boumediene…