Le « droit de réponse » en matière de presse écrite, télématique, audiovisuelle
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I. LA PRESSE ECRITE

L’article 13 de la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose :


« Le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu [en application de cette disposition, la demande de droit de réponse doit être adressée au « directeur de publication » à défaut de quoi la rédaction est recevable à la refuser : [Cass. civ. 29 avril 1998 94-14139]] .

En ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication, sous les mêmes sanctions, sera tenu d’insérer la réponse dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception.

Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation.

Non compris l’adresse, les salutations, les réquisitions d’usage et la signature qui ne seront jamais comptées dans la réponse, celle-ci sera limitée à la longueur de l’article qui l’aura provoquée. Toutefois, elle pourra atteindre cinquante lignes, alors même que cet article serait d’une longueur moindre, et elle ne pourra dépasser deux cents lignes, alors même que cet article serait d’une longueur supérieure. Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux répliques, lorsque le journaliste aura accompagné la réponse de nouveaux commentaires.

La réponse sera toujours gratuite. Le demandeur en insertion ne pourra excéder les limites fixées au paragraphe précédent en offrant de payer le surplus.

La réponse ne sera exigible que dans l’édition ou les éditions où aura paru l’article.

Sera assimilé au refus d’insertion, et puni des mêmes peines, sans préjudice de l’action en dommages-intérêts, le fait de publier, dans la région desservie par les éditions ou l’édition ci-dessus, une édition spéciale d’où serait retranchée la réponse que le numéro correspondant du journal était tenu de reproduire.

Le tribunal prononcera, dans les dix jours de la citation, sur la plainte en refus d’insertion. Il pourra décider que le jugement ordonnant l’insertion, mais en ce qui concerne l’insertion seulement, sera exécutoire sur minute, nonobstant opposition ou appel. S’il y a appel, il y sera statué dans les dix jours de la déclaration, faite au greffe.

Pendant toute période électorale, le délai de trois jours prévu pour l’insertion par le paragraphe 1er du présent article sera, pour les journaux quotidiens, réduit à vingt-quatre heures. La réponse devra être remise six heures au moins avant le tirage du journal dans lequel elle devra paraître. Dès ouverture de la période électorale, le directeur de la publication du journal sera tenu de déclarer au parquet, sous les peines édictées au paragraphe 1er, l’heure à laquelle, pendant cette période, il entend fixer le tirage de son journal. Le délai de citation sur refus d’insertion sera réduit à vingt-quatre heures, sans augmentation pour les distances, et la citation pourra même être délivrée d’heure à heure sur ordonnance spéciale rendue par le président du tribunal. Le jugement ordonnant l’insertion sera exécutoire, mais en ce qui concerne cette insertion seulement, sur minute, nonobstant opposition ou appel.

Si l’insertion ainsi ordonnée n’est pas faite dans le délai qui est fixé par le présent alinéa et qui prendra cours à compter du prononcé du jugement, le directeur de la publication sera passible de trois mois d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende .

L’action en insertion forcée se prescrira après trois mois révolus, à compter du jour où la publication aura eu lieu .

Sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent, toute personne nommée ou désignée dans un journal ou écrit périodique à l’occasion de l’exercice de poursuites pénales peut également exercer l’action en insertion forcée, dans le délai de trois mois à compter du jour où la décision de non-lieu dont elle fait l’objet est intervenue ou celle de relaxe ou d’acquittement la mettant expressément ou non hors de cause est devenue définitive. »

salutations, adresse, signature

Il a ainsi pu être jugé que :

« Le droit de réponse est général et absolu, celui qui en use est seul juge de la forme, de la teneur, de l’étendue et de l’utilité de la réponse dont il requiert l’insertion et celle-ci doit comprendre, en sus du texte de la réponse dont l’article précité détermine la longueur, l’adresse, les salutations et la signature du requérant qui ne doivent pas être comptées dans ladite réponse. » (C. cass. Ch. crim., 20 janvier 1987 20/01/87 RIMASSON C. BALAYE)

corrélation

Le directeur de publication peut refuser la publication du droit de réponse lorsque le contenu de celui-ci n’est pas en corrélation avec le texte auquel il prétend répliquer Cour de Cassation 4 septembre 2001. L’insertion d’une réponse en partie dépourvue de corrélation avec l’article incriminé ne peut être exigée sur le fondement de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 car la réponse est indivisible Cass. civ. 24 juin 1998. Le directeur de publication peut refuser également la publication d’un droit de réponse qui porterait atteinte à la considération et à l’honneur du journaliste Cass. civ. 5 janvier 1994 [Même si les auteurs de la réponse reprochent aux journalistes des inexactitudes et des commentaires déplaisants, ils peuvent, dans leur réponse, employer les termes de leur choix dès lors qu’ils ne dépassent pas en vivacité ceux de l’article auquel ils répondent. Paris (14e Ch. A), 24 octobre 2001 D., 2002, somm. p. 2765, obs. C. Bigot ]] ou qui porterait atteinte à l’intérêt légitime de tiers [Cass. Civ. 27 janvier 1993 [Le refus d’insérer ne se justifie que si la réponse est contraire aux lois, aux bonnes moeurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste ; ne justifie pas le refus d’insérer l’arrêt qui ne relève pas dans la réponse d’autres éléments que ceux déjà exposés dans l’article de mise en cause alors que le demandeur s’est exprimé sans malveillance ni appréciations blessantes à l’égard des tiers tandis que pour lui la désignation de ces tiers pouvait être nécessitée par la défense à l’attaque dont il avait été l’objet [Cass. civ. 20 janvier 198785-91392]]

Le calcul effectif du nombre de lignes relève du juge, étant souligné qu’une photographie ne modifie pas le nombre de lignes si elle n’est pas en cause par elle-même. Cour de Cassation, crim. 27 mai 1999

référé

La personne à laquelle est opposée sans motif sérieux un refus d’insérer, subit un trouble manifestement illicite puisqu’il est porté atteinte à son droit absolu de réponse qui autorise, par application de l’article 809 nouveau Code de procédure civile, le juge des référés à ordonner la publication du droit de réponse [Trib. gr. inst., Paris (Ord. réf.), 7 août 1989 J… C. SOCIETE NOUVELLE DE PRESSE ET DE COMMUNICATION (LIBERATION) Gaz. Pal., Rec. 1989, somm. p. 525]]. Le représentant du Parquet est cité à l’audience civile de référés à peine de nullité : à défaut pour une association d’avoir notifié l’acte introductif d’instance (référé) au ministère public, cette assignation, qui tend à obtenir l’insertion forcée d’un droit de réponse, doit être déclaré nulle et de nul effet [1].

injures, diffamation, etc ..

Indépendamment du droit de réponse, un article de presse peut également soulever des questions en matière d’injures publiques ou de diffamation publique [2].

II. LA PRESSE TELEMATIQUE

L’article 6.IV de la loi LCEN du 21 juin 2004(loi pour la confiance dans l’économie numérique) dispose que :

« Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service, [ la loi a fait l’objet d’une décision du Conseil constitutionnel [n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 ]].

La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l’anonymat, à la personne mentionnée au 2 du I qui la transmet sans délai au directeur de la publication. Elle est présentée au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du public du message justifiant cette demande.

Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le service de communication au public en ligne sous peine d’une amende de 3 750 Euros, sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.

Les conditions d’insertion de la réponse sont celles prévues par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881précitée. La réponse sera toujours gratuite. »

III. LA PRESSE AUDIOVISUELLE

En matière audiovisuelle, l’art. 6 de la loi du 29 juillet 1982 réglemente le droit de réponse. L’alinéa 1er de cet article dispose :
« Toute personne physique ou morale dispose d’un droit de réponse dans le cas où des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation auraient été diffusées dans le cadre d’une activité de communication audiovisuelle. »
À la différence du droit de la presse de 1881, le droit de réponse n’est ouvert en matière audiovisuelle que pour le cas où l’information concernant la personne physique ou morale pourrait relever de la diffamation.


Guy Pécheu
(gpecheu@online.fr)







ANNEXE 1 : LETTRE-TYPE D’ENVOI DE DROIT DE REPONSE PRESSE ECRITE

« Monsieur le Directeur de publication,[Dans le domaine de l’audiovisuel, le droit de réponse est celui prévu par l'[article 6 de la loi du 29 juillet 1982 ; voir notamment : Cassation 1ère civile, 29 novembre 2005 France 2 ]]

Je vous prie de trouver ci-joint :

  • le droit de réponse que j’entends exercer dans l’édition .., conformément à l’article 13 de la Loi de 1881 sur la presse , et ce, à la suite de l’article signé par …, intitulé « polémique autour du stade » et publié le ….(en caractères rouges, les réquisitions d’usage, adresse, signatures, etc ..).
  • (facultatif) le décompte du nombre de caractères

Dans l’attente,

Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur de publication, etc… »

ANNEXE 2 : LE TROUBLE MANIFESTEMENT ILLICITE

En marge du droit de réponse proprement dit, existe une action en référé tendant à faire cesser le trouble manifestement illicite subi du fait de propos diffamatoires ou injurieux (voir ci-contre la réponse du Ministre de la Culture à l’Assemblée Nationale [toutefois, contrairement aux termes de la réponse bien mal documentée du Ministre de la Culture publiée le 9 août 2005, hormis les cas de diffamation ou d’injures, il n’existe pas actuellement en droit français et depuis plusieurs années d’action en justice recevable en raison d’un quelconque « abus de la liberté d’expression », cette notion étant devenue désormais caduque et obsolète, ce dont on ne peut que se féliciter. Seuls les abus de la liberté d’expression limititativement prévus par la loi de 1881 peuvent être poursuivis : « Les abus de la liberté d’expression prévus par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l’art. 1382 C. civ.. » : voir notamment, parmi une jurisprudence constante : [Cass. 2ème 14 mars 2002No 00-13917; ]])

Notes

[1] C. app., Paris (14e Ch. A), 5 mai 1999 D., 2000, somm. p. 401, obs. C. Bigot

[2] voir sur les injures, [la fiche pratique No 35, sur la diffamation, la fiche pratique No 200