Un statut pour l’animal ?
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Article paru sur http://blogs.lexpress.fr/cuisines-assemblee/2014/04/16/un-statut-pour-les-animaux/

 

La presse s’en est fait écho : mardi soir a été débattue dans l’hémicycle la question du statut des animaux.

L’arrivée de l’amendement a surpris. D’abord sur le projet de loi concerné. Le texte support de l’amendement porte sur la modernisation du droit. Le sujet est donc étudié entre le droit des tutelles, les modalités d’emprunt des CCAS et le tribunal foncier de la Polynésie française.

Ensuite par ses signataires. Aucun des député-e-s socialistes qui ont signé les amendements n’est membre du groupe d’étude sur la protection des animaux, qui sous l’égide de la députée PS Geneviève Gaillard prépare une proposition de loi entièrement dédiée au statut de l’animal. Le vote de cet amendement risque de rendre obsolète cette proposition de loi, plus ambitieuse, avant même son dépôt.

Enfin sur le fond. Le groupe socialiste avait déposé deux amendements. Le premier proposait de créer un titre additionnel dans le code civil pour distinguer clairement biens et animaux, et d’indiquer que ces animaux étaient des « êtres vivants doués de sensibilité » (cela est déjà écrit dans le code rural mais pas dans le code civil). Le second, moins ambitieux, ne créait pas de nouvelle partie dans le code civil mais y insérait juste un article additionnel. Or le premier amendement a été retiré mardi midi. Il ne restait plus que le second amendement, plus limité. Cet amendement permet de répondre à une grande pétition de 30 Millions d’Amis exigeant cette modification… même s’il ne crée pas de statut de l’animal (contrairement à ce qu’ont dit une grande partie des médias).

C’est pour cela que le groupe écologiste a déposé plusieurs sous-amendements (ici, et ) pour compléter l’amendement socialiste et le rendre plus ambitieux. La députée écologiste Laurence Abeille ne se prive alors pas de critiquer la méthode et le fond de l’amendement :

[youtube]https://youtu.be/CgGaoMaDGXM[/youtube]

La rapporteure lui répond en précisant qu’il ne faut pas donner à l’amendement plus d’importance qu’il n’en a : il ne remet pas en cause les catégories juridiques existantes. Le code civil reconnaitra la qualité d’êtres sensibles et vivants aux animaux mais ils resteront bien dans la sphère patrimoniale (comme avant) et seront traités comme des biens. Elle souligne également que les sous-amendements ne peuvent être adoptés, leurs conséquences réelles étant mal mesurées.

[youtube]https://youtu.be/JzhdehFGr6o[/youtube]

Prend alors la parole Geneviève Gaillard, la députée PS qui proposait une proposition de loi sur le statut de l’animal. Elle se montre très sévère contre l’amendement de son propre groupe, sur lequel elle n’a apparemment pas eu son mot à dire.

[youtube]https://youtu.be/jL_sgI6nEZM [/youtube]

Ces tensions entre un-e député-e et son groupe s’expriment assez rarement dans l’hémicycle. Elles viennent du fait que leurs objectifs sont opposés. Le groupe et les principaux signataires de l’amendement, veulent répondre rapidement à une préoccupation soulevée par une grande association et ses milliers de pétitionnaires. D’où la procédure d’un amendement restreint dans un projet de loi fourre-tout.

La députée, qui a conduit un travail de fond, regrette que cet amendement puisse enterrer si rapidement ce débat et la proposition de loi qui allait être déposée. Les député-e-s spécialistes du sujet risquent d’être privés d’une réforme qu’ils voulaient plus ambitieuse mais qui aurait nécessité un travail plus sérieux. On voit mal une proposition de loi étudiée, alors que sa proposition centrale vient tout juste d’être adoptée par un amendement du même groupe.

Une proposition de loi dédiée aurait permis la conduite d’auditions, la rédaction d’un rapport sur une question qui mêle éthique, droit, protection des animaux et place qu’il leur est faite. Mais il serait nécessaire de border très précisément un tel texte. Un statut très ambitieux de l’animal pourrait remettre en cause la place très utilitariste qui leur est laissé dans les élevages, les laboratoires, les cirques ou les arènes de corrida. Peu de personnes le souhaitent.

Mais sans aller jusque là, un statut de l’animal aurait pu aller nettement plus loin que l’amendement adopté hier (et parler par exemple des animaux sauvages qui ne sont pas concernés par cet amendement). Mais le vote d’hier permet de dire qu’un statut de l’animal a été adopté, sans que cela n’ait de conséquences.

 

Voir la proposition de loi Gaillard-Abeille sur le statut juridique de l’animal