Retour sur les ateliers immigration et mineurs des Journées d’été
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I – Atelier « quelles réformes des politiques d’immigration avec la nouvelle majorité en France ? ». Animateur : Renaud MANDEL, avec pour intervenants Hélène FLAUTRE (députée européenne EELV), Christophe POULY (avocat, membre du GISTI) et Violaine CARRERE (Boat4people/Migreurop). 80 participants.

Hélène est revenue dans son intervention sur la question des Roms et la continuité de la politique mené cet été avec celle du précédent gouvernement ; cependant, cette situation a fait l’objet d’une réunion interministérielle, ce qui n’est pas rien : c’est de fait reconnaître que la question des Roms est une question qui mobilise des politiques diverses (logement, social…). Dans le Nord-Pas-de-Calais, on a mis en place un Plan Régional d’Inclusion pour l’Intégration des Roms qui a été envoyé à la commission européenne. Par ailleurs, nous devoir être particulièrement vigilants sur les réformes à venir concernant les régularisations : des critères clairs, transparents doivent être exigés. Avec la nouvelle donne politique, il y a une opportunité historique de mettre en œuvre une politique d’ouverture à la migration avec le Sud, les pays du Maghreb ; il faut saisir ces opportunités, au moins dans les énoncés, en s’appuyant sur les promesses de campagne de F. Hollande.

Christophe POULY insiste sur le fait que la question de l’immigration devrait sortir du champ national, puisque c’est aujourd’hui l’UE qui légifère, notamment pour créer du droit à l’immigration plus que pour une approche restrictive. Transposition dans le droit national, code des frontières. Aujourd’hui, les régimes de droit d’asile sont tels que les demandeurs d’asile sont placés sur orbite, sans possibilité de régularisation bien souvent en raison de Dublin II On ne peut se contenter de parler en terme de législation, de qui peut entrer, de qui peut travailler, il faut aussi voir les effets de la politique menée depuis des années :

–          effectifs de police des frontières considérablement augmentés depuis 10 ans. Mise en place de l’agence européenne FRONTEX, pour organiser la guerre aux migrants, corps spéciaux pour lutter contre l’immigration clandestine.

–          La double peine existe toujours : comment la contourner, comment la neutraliser ?

–          L’enfermement des étrangers ; enfermement en tant que tels des enfants, et des étrangers en général au seul motif d’infractions à la législation sur le séjour. Par ailleurs, l’assignation à résidence proposé dans la circulaire de juillet est une mesure de contrôle.

–          Il faut soumettre au juge administratif toute mesure d’éloignement pour revenir à un état de droit et sortir de l’arbitraire des préfectures et des décisions de police.

Violaine CARRERE a présenté Boat4people, dans ses objectifs et la campagne menée cet été en Méditerranée ; avec le réseau Migreurop, Boat4people milite pour que le droit à l’asile soit garanti pour les migrants clandestins, et pour que l’UE soit une source de droits avantageux. Boat4people s’occupe de ceux qui flotte et sont en perdition sur la mer Méditerranée. Elle revient sur la militarisation des dispositifs de lutte contre l’immigration clandestine, pointant qu’il y a de plus en plus « d’yeux » pour scruter ce qu’il se passe sur cette frontière, mais qu’il n’y a pourtant jamais eu autant de bateaux en perdition. Avec cette guerre livrée aux clandestins, le droit maritime qui stipule que quelque soient les personnes en perdition, on doit leur porter assistance, est remis en cause avec les poursuites engagées contre les équipages qui portent secours aux embarcations de migrants. Boat4people a affrété en juillet un bateau qui est parti de Florence pour Palerme, la Tunisie, Monastir (Forum Social) et Lampedusa, dans le but de sensibiliser sur ces questions et dénoncer les morts de plus en plus nombreux provoqué par la politique de l’Europe forteresse.

Dans le débat qui s’en est suivi, la place des institutions françaises dans l’accueil des migrants a été abordée ; il n’est pas normal que ce soit aux seules collectivités communes et Conseils généraux de prendre en charge ces personnes ; l’état doit accompagner et prendre ses responsabilités. Par ailleurs, violence institutionnelle, avec le fonctionnement des préfectures, le parcours du combattant pour les rendez-vous pour avoir ou pour renouveler les titres de séjours, en particulier celle de Bobigny (cf. publication Gisti Étrangers : conditions d’accueil et traitement des dossiers à la préfecture de Bobigny : l’indignité !). Sans compter l’augmentation du prix pour le renouvellement des titres de séjours. Les difficultés des populations Roms, l’action des collectifs comme Eunomad à Montreuil, les difficultés des Conseils généraux à accueillir les mineurs isolés étrangers, ainsi que le rôle des politiques et parlementaires pour faire évoluer la législation ont été également l’objet d’intervention et de discussions lors de cet atelier.

 

II – Atelier « les droits de l’enfant : état des lieux». Animateurs : Christiane LEPAUMIER (commission justice) & Renaud MANDEL ; intervenants : Christiane, Hélène FLAUTRE, Daniel SENOVILLA & Lélia TAWFIK (Migrinter/PUCAFREU, Université de Poitiers). 15 participants

Hélène FLAUTRE, membre de la commission Libertés publiques, justice et démocratie au Parlement européen, évoque le rapport d’initiative sur la situation des mineurs isolés étrangers en Europe, qui s’est mis en place après des années d’efforts. C’est une avancée, car un plan d’action devra émerger de ce rapport. Par exemple, dans les mesures à mettre en avant, faire en sorte que les mineurs ne puissent plus être en procédure accélérée pour leur demande d’asile comme c’est très souvent le cas aujourd’hui. Il faut aussi réaffirmer avec force l’intérêt supérieur de l’enfant, en prenant garde aussi à l’acception de ce terme dans les discours du conseil des ministres de l’Europe pour qui, le retour en famille est conforme à cet intérêt supérieur, malgré la réalité qui est souvent beaucoup moins conforme à l’intérêt des mineurs.

Il faut rechercher une loi européenne contraignante pour harmoniser par le haut la prise en charge des MIE, tel serait l’intérêt premier de ce rapport d’initiative si les préconisations allaient dans ce sens. Le nombre estimé de MIE est de quelques 100.000 en Europe, 6000 à 7000 en France. Il y a aujourd’hui un vif débat entre le Conseil de l’Europe et le Parlement Européen au sujet de l’application de Dublin II aux MIE.

Daniel SENOVILLA et Lélia TAWFIK présentent l’étude actuellement menée par MIGRINTER dans le cadre du projet « Promoting Unaccompanied Children Access to the Fondamental Rights in the European Union. S’appuyant sur des enquêtes de terrain dans 5 pays de l’UE, cette étude souhaite expliciter quelles sont les raisons qui conduisent au manque de protection flagrant qui est constaté. En Roumanie, en Espagne, en Italie, en France et en Grande-Bretagne, les systèmes de prise sont différents, mais au final tendent à exclure de plus en plus du droit commun, que ce soit comme en Espagne avec des programmes de rapatriement des MIE dans leur pays d’origine, comme en France avec les difficultés d’accès au droit commun, ou encore en Grande-Bretagne où à leur 18 ans, les jeunes ont peu de possibilités de rester légalement sur le territoire. On distingue trois profils différents pour ces jeunes exclus : les « autonomes », ceux qui sont sous l’emprise de réseaux mafieux, ceux qui bénéficient d’un accueil familial informel. Pourquoi sont-ils en dehors du système de protection de l’enfance ? Ces mineurs alternent souvent périodes de protection et d’absence de protection. Difficultés dans l’accès au logement, à l’éducation, aux soins. Toutefois, leur point commun à tous est une forte motivation pour se former, pour étudier. On constate bien trop souvent un fossé entre les droits garantis par la législation, et l’accès effectif au droit comme le droit à la santé. Par exemple, même lors des prises en charge par les services sociaux, les troubles post-traumatiques ou la dépression sont rarement traités. Influence de la communauté, des pairs, sur leur parcours en Europe ; certaines communautés cherchent avant tout à ce que les jeunes puissent travailler et « dirigent » leurs enfants vers des pays réputés plus accessibles à cette priorité (afghans -} Scandinavie).

On constate, c’est le cas pour la France, que l’hôtel s’impose comme solution de prise en charge ; les jeunes y sont délaissés, à ne rien faire, en attendant qu’ils atteignent leur majorité pour être remis à la rue. Les familles d’accueil sont difficiles à trouver, ne correspondent pas toujours aux besoins du jeune et aux difficultés de son parcours ; elles sont aussi souvent démunies face à des jeunes qui ne parlent pas la langue et ont des codes culturels différents. Enfin, les centres d’accueil et foyers ont des qualités d’accueil et de personnels éducatifs très variables. Là encore, on constate un manque de formation des travailleurs sociaux en charge des MIE même si le phénomène des MIE et les problématiques de ces jeunes tendent à être de mieux en mieux connues. Mais le manque d’adaptation des jeunes à ces structures souvent rigides, le manque de compréhension des règles, peuvent mener à leur exclusion en raison de règles trop contraignantes. Il peut aussi y avoir des cas de maltraitance institutionnelle.

A Paris, le système mis en place à l’automne 2011 (PAOMIE) a rapidement montré ses limites. Dans la pratique, il est en contradiction avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfants, puisque les mineurs, trop nombreux par rapport aux capacités de prise en charge mises en œuvre, restent plusieurs mois sur liste d’attente avant d’accéder à un hébergement, et la mise à l’abri proposée ne compte que 25 places (ESI) dans des conditions de grande précarité et d’hygiène pas acceptable.

Christiane est revenue sur le cadre de la protection de l’enfance, et l’évolution de la justice des mineurs ces dernières années. Avec l’abandon progressif du volet éducatif dans la justice des mineurs, au bénéfice d’un discours favorisant le répressif, l’Ordonnance de 1945 a laissé place à un enchevêtrement complexe de compétences et à la mise à l’écart du juge pour enfant dans la justice des mineurs. Dans la protection de l’enfance, et celle des MIE en particulier, cela a joué aussi dans la prise en charge par les institutions. Et à mesure que la pénurie budgétaire s’est faite plus sensible, les mesures de protection prise par les juges se voient dans l’incapacité d’être mises en œuvre. En 1974, la majorité a été abaissée à 18 ans. Les Contrats Jeunes Majeurs ont été mis en place pour accompagner les jeunes en situation précaires à leur 18 ans. Mais il n’ya rien de contraignant, puisque les textes du Code de l’action sociale et de la famille stipulent que le CJM « peut être » étendu jusqu’à 21 ans, donc aucun caractère obligatoire et pas de recours possible sur un refus de l’administration de signer un CJM. Pour les mineurs isolés étrangers, les CJM tendent à devenir exceptionnels, des notes de service des Directions de l’Aide Sociale à l’Enfance dans plusieurs département interdisant formellement la signature de Contrat Jeunes Majeurs pour les étranges pris en charge après leur 17 ans (en réalité à partir de 16,5 ans). Pourquoi tant de difficultés à prendre en charge, en respect des législations françaises et conventions internationales, quelques 6000 mineurs étrangers ? Comment se fait-il que la 4eme puissance mondiale soit dans l’incapacité de garantir une protection à quelques milliers d’enfants, pour un phénomène qui n’est pas si nouveau ? On constate un recul des droits, et pourtant la majorité des départements est à Gauche (les Conseils généraux sont en charge de la protection de l’enfance). L’Aide Sociale à l’Enfance ne fait plus d’éducatif, mais gère des flux en faisant en sorte d’exclure le plus possible (examens de maturation osseuse…) ces mineurs étrangers dans une logique comptable et financière. La question sans arrêt posée est celle de la responsabilité de l’Etat, en charge de l’exclusion, et celle des Conseils généraux, en charge de la protection de l’enfance, chacun se renvoyant la balle arguant que les MIE ne sont pas de leur ressort…Pourtant, depuis la loi de décentralisation de 1983, ce sont bien les Conseils généraux qui prennent en charge l’enfance en danger.

Plusieurs exemples ont été cités dans le débat, montrant que la protection de l’enfance pour les MIE se réduisait à peau de chagrin. Nous avons également évoqué la décision de Claude BARTOLONE a l’automne 2011 d’arrêter l’accueil de MIE dans le département de Seine-Saint-Denis et les conséquences dramatiques pour ces jeunes ; de plus, cette décision plaçait les travailleurs sociaux dans l’illégalité puisqu’il leur était alors ordonné de ne pas appliquer les ordonnance de placement provisoire des juges pour enfants. La péréquation mise en place en vertu d’un accord avec le Garde des Sceaux, le CG93 et l’Aide Sociale à l’Enfance a mis bien souvent devant le fait accompli des départements qui n’en avait pas fait la demande, qui se sont vu contraints de prendre en charge des jeunes venant du 93…avec des refus de prise en charge, des querelles administratives, dont les mineurs isolés étrangers ont été les victimes.

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